IN MEMORIAM MARCEL SIGRIST, OP, ASSYRIOLOGUE ET SUMÉROLOGUE DE L’ÉCOLE

Les frères dominicains et les membres de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem saluent la mémoire du frère Marcel Sigrist, o.p., (1940-2024) ancien directeur et professeur d’assyriologie, décédé le 03 mai à Strasbourg. Ils le confient à votre prière. 

Il semble que les langues hors l’horizon indo-européen façonnèrent le destin du fr. Marcel Sigrist. Le premier appel de ses supérieurs n’était pas l’akkadien ni le sumérien mais le finois, puisqu’il était prévu qu’il rejoigne de la communauté dominicaine d’Helsinki pour établir des relations œcuméniques. Dans cette perspective, des études préparatoires en Écritures sainte le mène en 1969 à l’École biblique de Jérusalem où les responsables (P. Benoit, F. Langlamet, R. Tournay) sont bientôt enclins à le former comme professeur d’Ancien Testament.

Une fois encore sa formation va prendre un tournant : étudiant remarqué à l’Université hébraïque de Jérusalem, le grand assyriologue Hayim Tadmor lui conseille d’aller à l’université de Yale aux États-Unis où il se spécialise en assyriologie et sumérologie. En 1976 paraît sa thèse de doctorat intitulée « Ninurta à Nippur. L’économie du culte pendant la période d’Isin et Larsa ». Marcel Sigrist va rester fidèle à la période d’Ur III (2000–1600 av. J.-C.) avec de très nombreuses publications : Textes économiques néo-sumériens de l’Université de Syracuse (1983), Neo-Sumerian Account Texts in the Horn Archaeological Museum (avec L. T. Geraty, 1984), Ur III-Texte : Verstreute Publikationen aus Zeitschriften (six volumes, 1986), Tablettes du Princeton Theological Seminary : époque d’Ur III (1990, part 2 en 2005), Drehem (1992), Neo-Sumerian Texts form the Royal Ontario Museum. The Administration at Drehem (1995), Neo-Sumerian Archival Texts in the Nies Babylonian Collection (avec U. Kasten, 2001), Ur III Administrative Tablets form the British Museum (avec T. Ozaki, 2006 et 2015) pour ne citer que quelques livres reflétant son activité scientifique dans ce domaine. Tout cela sans parler des études babyloniennes comme Old Babylonian Account Texts in the Horn Archaeololgy Museum, 1990 et 2003 ni les articles scientifiques.

Pendant le temps passé à l’École biblique, le fr. Marcel a donné chaque année le cours d’akkadien et des séminaires abordant des sujets spécialisés sur la Mésopotamie. Devenu professeur émérite, le frère Marcel avait coutume de passer les étés à Yale pour lire, comme premier expert moderne, de nombreux exemplaires des 40.000 inscriptions cunéiformes qui se trouvent dans cette collection unique. Sa capacité à lire à la volée et à interpréter correctement les signes cunéiformes sumériens jouissait d’une réputation mondiale. Pendant quinze ans, il fut aussi bibliothécaire et dirigea ainsi une institution exceptionnelle dans le monde scientifique de la Bible et de ses cultures voisines. En plus de ses fonctions d’enseignement, le fr. Marcel accomplît trois mandats de directeur de l’École biblique (1991, réélu 1994 et de « acting director » 2011–2015).

Au terme de sa vie, nous pouvons exprimer notre gratitude et celle de nombreux chercheurs pour cette existence bien remplie au service de la science et de la transmission du savoir. Une mission de frère dominicain à l’École biblique et archéologique de Jérusalem et bien au-delà.

Messe d’Adieu au fr. Marcel Sigrist – 7 mai 2024 fr. Jean-Michel Poffet op ancien Directeur de l’École Biblique de Jérusalem

 

Fr. Marcel Sigrist à la bibliothèque de l’École

 

Remise officielle de Mélanges d’assyriologie au Fr. Marcel Sigrist o.p. par Fr. Jean-Jacques Pérennès o.p. lors de la célébration du centenaire de la reconnaissance de l’École comme École archéologique française




SANTIAGO GUIJARRO, UNE VIE DE RECHERCHE DÉDIÉE AUX ÉVANGILES

Originaire de la ville d’Illescas, commune de la province de Tolède, Santiago Guijarro est titulaire d’un doctorat en théologie et d’une licence en philologie biblique trilingue de l’UPSA, ainsi que d’une licence en Écriture sainte de l’Institut biblique pontifical de Rome. Ordonné prêtre en 1981, il est professeur à la faculté de théologie de Salamanque depuis 1996.

Cette fois-ci c’est un travail qu’il présentera au prochain Colloquium Biblicum Lovaniense qui l’amène sur les bancs de l’ÉBAF, plus précisément le processus d’urbanisation en Galilée et son impact sur le mouvement de Jésus: “C’est un sujet passionnant, d’autant plus que les fouilles archéologiques ramènent beaucoup de données intéressantes qui nous permettent de mieux comprendre la situation en Galilée au 1er siècle.”

Mais la spécialité de ce grand professeur est bel et bien les Évangiles.
Depuis qu’il commencé à lire la Bible, Santiago s’est intéressé de manière plus étroite à ces récits précis.  Il se spécialise au fur et à mesure de son parcours dans l’Écriture Sainte et nourrit ainsi un intérêt de plus en plus vif, qui aura toute la place de s’épanouir lorsqu’il rejoindra les rangs de l’Université Pontifical de Salamanque pour prendre en charge le cours sur les Évangiles, pendant plus de 25 ans.

Si on lui demande pourquoi cet intérêt, il répondra:” Ils racontent  l’histoire de Jésus, une histoire qui est très humaine et, en même temps, pleine d’une présence divine. Je pense que c’est le fait de mieux connaître Jésus qui m’a motivé dans ce parcours.”

Quant à son lien avec l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem, il date des années 80. Il se souvient avec nostalgie et émotions de ces années  ” j’ai pu profiter de son hospitalité et de sa magnifique bibliothèque à de nombreuses reprises au cours de séjours courts mais très intenses. En 1995, j’ai passé presque toute l’année à Jérusalem et j’ai eu l’occasion de vivre trois mois au couvent avec les Dominicains. J’ai rencontré de grands maîtres : Boismard, Murphy O’Connor, Garuti, Gonçalves, Loza, Sigrist, Langlamet, et les Pères de Tarragon, Humbert, Nodet et Puech que j’ai été très heureux de retrouver durant ce séjour.”

Avant de partir, il nous confie un de ses projets qui lui tient à coeur; un travail méticuleux sur les matériaux préliminaires d’un commentaire sur l’Évangile selon Marc.

Et bien sur, il nous livre ce qui l’a le plus marqué lors de son séjour : “Je garderais plusieurs images: les personnes rencontrées et le privilège d’avoir pu vivre et partager des espoirs et des projets avec elles, les temps de prière dans les lieux saints… et surtout les visites des sites archéologiques. J’ai visité Ramat Rahel et j’espère visiter Khirbet Qana, El-Araj et les nouvelles découvertes de Magdala et Tibériade. Je trouve ces lieux très évocateurs car ils mettent en scène la vie de Jésus.”

 

C de G.



FRÈRE JONAS ET LA QUÊTE DES ORIGINES

Yunus Demirci assure le cours de topographie pour cette année 2022-2023. Yunus, ou Jonas : faisons connaissance avec ce capucin, fils d’Orient qui assure depuis cette année le cours de topographie à l’École biblique. « Toujours souriant, très vif, des parcours découvertes plus que nourris » : les étudiants, manifestement, apprécient.


D’où lui vient cette énergie ? Né Turc à Iskenderun il y a 45 ans, il se découvre peu à peu Arménien. Sa mère qu’il croyait syriaque était, en réalité, beaucoup plus que cela. Des syriaques, il y en a dans la famille, des musulmans aussi, et des chrétiens, bien sûr. Ce destin, Yunus, ou Jonas, le découvre à Jérusalem où il est assigné en 2007. Ironie de l’histoire : il est Turc ? Parce que la France disposa de sa région natale en la cédant à la Turquie en 1939 pour prix de sa neutralité dans la guerre qui se profilait. Antioche et sa région tombent dans l’escarcelle d’Atatürk. Pour un peu la famille Demirci appartenait à l’empire français ! À quoi tiennent les destinées… Baptisé grec-orthodoxe, Yunus entre au petit séminaire capucin, à Mersin. Il sera religieux, catholique, de la famille de saint François. À Jérusalem, il décroche son doctorat en archéologie en 2019 avec une thèse sur « Les synagogues en Asie mineure dans l’antiquité tardive dans leurs contextes urbain et religieux ».

Comment devient-on archéologue ? Le chemin passe d’abord par les langues anciennes qui le mènent naturellement à la terre qui les a portées. « Avec l’archéologie, on plonge dans le concret, on travaille aussi avec ses mains ». Et quand on lui demande si les archéologues ne sont pas un peu des affabulateurs, il rétorque : « Oui, mais si on invente, il faut inventer bien !

La clarté doit habiter la description des sites. Alors, il existe des interprétations, elles peuvent différer. Et puis le temps qui passe, et l’étude, apportent leurs évolutions. Il faut que, ce qui reste hypothèse, soit fondé. La science ne progresse pas par ses résultats mais par ses questions ; et les discussions qui s’ensuivent créent une dynamique vertueuse ». Quand il évoque ses débuts à l’École, il paie tribut au frère Sigrist, naguère Directeur : « C’est lui qui m’a invité à enseigner ». Ce qu’il apprécie à l’École ? « La collaboration entre religieux d’une part, et d’autre part l’ambiance très belle avec les frères qui veulent bien m’accueillir et les étudiants, même si leurs questions me contredisent parfois. Mais c’est à la fois une question d’humilité et une stimulation. J’enseigne, mais j’apprends aussi beaucoup ». Belle réponse capucine.



PÉPITES DE LA BIBLIOTHÈQUE

La bibliothèque de l’Ecole biblique de Jérusalem met en ligne chaque samedi la liste des ouvrages intégrés au catalogue dans la semaine, une vingtaine de titres, en moyenne. Depuis deux mois, le bibliothécaire a la bonne idée de nous signaler une « pépite » ou « une nouveauté de luxe », c’est-à-dire un ouvrage qui mérite particulièrement notre attention. Voici la liste des ouvrages ainsi distingués au cours des dernières semaines.

– Walter MOBERLY, The God of the Old Testament: encountering the divine in Christian Scripture, Grand Rapids (Mich.), Baker Academic, 2020, 282 p.

– תלמוד ירושלמי = Talmud Yerushalmi [Texte imprimé] : שבספריית האוניברסיטה של ליידן עם השלמות ותיקונים (Or. 4720) 3 יוצא לאור על פי כתב יד סקלינגר : = according to Ms. Or. 4720 (Scal. 3) of the Leiden University Library with restorations and corrections / מבוא מאת יעקב זוסמן = introduction by Yaacov Sussmann. — הדפסה שלישית עם קונטרס תיקונים מורחב = third printing with expanded corrigenda supplement, ירושלים = Jerusalem : האקדמיה ללשון העברית = Academy of the Hebrew Language, 2016, 1466 p.

– Étienne NODET & Avital WOHLMAN, Le procès invisible de Socrate, Rome, 2020, 123 p. 

– Jonathan CORNILLON, Tout en commun ? La vie économique de Jésus et des premières générations chrétiennes de Jérusalem, Paris, Cerf, 2020, 773 p.

– Fabian PFITZMANN intitulée : Un YHWH venant du Sud? De la réception vétérotestamentaire des traditions méridionales et du lien entre Madian, le Néguev et l’exode (Ex-Nb ; Jg 5 ; Ps 68 ; Ha 3 ; Dt 33), Tübingen, Mohr Siebeck, 2020, 498 p.

–  Des Polythéismes aux monothéismes.  Mélanges d’assyriologie offerts à Marcel Sigrist , Uri Gabbay & Jean Jacques Pérennès (ed.), Peeters, 543 p.

– Achim LICHTENBERGER et Rubina RAJA, Byzantine and Umayyad Jerash Reconsidered. Transitions, Transformations, Continuities, Turnhout, Brepols, 2019, 291 p.



SOUVENIRS, SOUVENIRS… MÉMOIRES DE JÉRUSALEM (PARTIE 3)

Vendredi 6 mars dernier, l’École biblique était à l’honneur à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres : le colloque « Le goût de l’Orient » rassemblait des membres des deux institutions à l’Institut de France pour célébrer le centenaire de la reconnaissance de l’EBAF comme École archéologique française. Parmi les orientalistes précédents, six anciens boursiers de l’AIBL venus témoigner de leur(s) année(s) académique(s) passées à l’EBAF. Retrouvez dans ce troisième article le discours de Monsieur Philippe Abrahami, Professeur d’histoire et d’archéologie du Proche-Orient ancien à l’Université de Lille.

Discours de M. Philippe Abrahami

Mon séjour de recherche à l’École biblique et archéologique française de Jérusalem remonte à l’année universitaire 1993-1994. J’étais alors en quatrième année de thèse sous la direction de Dominique Charpin, mon sujet de doctorat portant sur l’organisation militaire du royaume de Mari d’après les archives cunéiformes datant du 18ème s. av. n. è. A cette époque, je réalisai mes recherches au sein de l’UPR 193 du CNRS « Mari et le Proche-Orient cunéiforme » dirigée par Jean-Marie Durand. J’avais rassemblé la très grande partie de la documentation constituée essentiellement de lettres adressées aux rois de Mari mais aussi de textes administratifs et j’avais commencé le travail de rédaction de certaines parties dont celle traitant des effectifs, ce qui m’avait permis de faire un premier bilan sur cette question dans le cadre de la 38ème Rencontre assyriologique internationale qui s’était tenue à Paris en 1991. Cependant, mon travail avançait lentement. Je n’avais pas de financement pour ma thèse et père de trois petits enfants, je partageai mon temps entre la recherche, ma famille et un travail à temps plein auprès d’enfants en difficulté.

Sur la suggestion et avec le soutien de Dominique Charpin et de Jean-Marie Durand, au début de l’année 1993, j’ai postulé et obtenu la Bourse Lavoisier au titre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres pour un séjour à l’EBAF. Je revenais ainsi à Jérusalem dans le cadre d’un projet de recherche, après avoir entrepris et achevé en juin 1986 un cursus complet en assyriologie (licence et master) à l’Université hébraïque de Jérusalem au sein d’un département qui à l’époque était dédié à cette discipline.

Durant mes années d’études à l’Université hébraïque de Jérusalem, j’avais eu l’occasion de rencontrer en diverses occasions le Père Marcel Sigrist et de travailler ponctuellement à la Bibliothèque Saint-Etienne de l’EBAF. En arrivant sur place en septembre 1993, je n’étais donc pas en terrain inconnu, l’allocation de recherche me permettant, en outre, de consacrer, pour la première fois, la plus grande partie de mon temps à ma thèse. Je disposai ainsi de condition idéale de travail grâce aussi à la très riche bibliothèque de l’EBAF caractérisée par son excellence dans des domaines rarement réunis en un même lieu : l’exégèse biblique, l’archéologie du Proche-Orient mais aussi les ouvrages et revues concernant les langues, la littérature, la religion et l’histoire des peuples du Proche-Orient dont un assyriologue a besoin pour nourrir sa recherche.

Mon objectif durant ce séjour était d’avancer au maximum ma thèse et c’est donc de façon très assidue que j’ai fréquenté la bibliothèque. Progressant sur différents chapitres de mon doctorat, j’ai restitué une partie du travail ainsi finalisé sous la forme d’un mémoire soumis à l’AIBL portant sur la poliorcétique dans les textes de Mari dans lequel j’ai étudié les fortifications des villes avec les comparaisons que permettent les fouilles, les techniques d’encerclement, d’assaut et de défense ainsi que l’armement spécifique et les moyens de terrassement mis en œuvre à cet effet.

Au cours de cette année passée à l’EBAF, j’ai souvent échangé avec le Père Marcel Sigrist notamment sur des questions liées à ma recherche. J’ai ainsi pu bénéficier de ses conseils avisés et je tiens, en cette occasion si particulière, à lui renouveler mes remerciements que je lui adresse aussi pour les séances de lecture que nous avons eues ensemble, de tablettes cunéiformes de la période d’Ur III dont il est le spécialiste internationalement reconnu, séances qui ont été très formatrices pour moi. De même, j’ai aussi pu m’initier à l’enseignement de l’akkadien par le biais de cours informels consacrés à la lecture de documents en lien avec ma thèse qu’il m’avait proposé d’assurer à l’EBAF.

Le seul regret que j’ai par rapport à cette année passée à l’EBAF, est peut-être de ne pas avoir assez profité de la très riche offre de séminaires et de voyages d’études. En effet, souhaitant m’avancer au maximum dans mon travail de thèse, il fallait mettre à profit cette opportunité qui s’ouvrait à moi sachant qu’à mon retour en France, je devais reprendre mes activités professionnelles.

Depuis la soutenance de ma thèse en 1997 sur l’Armée à Mari, j’ai « ajouté des cordes à mon arc » pour utiliser une expression de circonstance en explorant d’autres champs de recherche à partir de la documentation cunéiforme comme l’étude des textiles anciens et des textes du palais de Nuzi, un site proche de l’actuelle ville de Kirkuk.

J’ai aussi développé une activité archéologique en assurant la codirection de la mission franco-israélienne de Tel-Achziv, un site du nord d’Israël, mission soutenue par le Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères.

Cependant l’histoire militaire du Proche-Orient ancien, à partir de l’étude des textes cunéiformes de différentes périodes et de lieux, reste un axe de recherche privilégié que je développe à travers mes publications, l’organisation de colloques, la participation au comité scientifique de la revue d’Histoire militaire ancienne ainsi que par mes enseignements.

Ce bref aperçu de mon année à l’EBAF constitue pour moi un témoignage de remerciement à cette institution qui sur proposition de l’AIBL s’est montrée ouverte à un profil de candidat assez peu représenté pour l’allocation de recherche : il me semble en effet que peu de doctorants assyriologues ont postulé afin de bénéficier de ce dispositif. Aussi, lorsque j’ai été contacté par le Père Jean-Jacques Pérennès, pour participer à cette table ronde, en septembre de l’année dernière, j’ai accepté avec un grand plaisir.



UN COURS EN LIGNE D’INTRODUCTION À L’ASSYRIOLOGIE

L’assyriologie est une des disciplines enseignées à l’École biblique depuis sa fondation. On sait, en effet, combien le texte biblique est indissociable des cultures de la Mésopotamie dont il est en partie issu.

Plusieurs enseignants éminents ont assuré cet enseignement à l’École biblique au cours de son histoire, le dernier en date étant le fr. Marcel Sigrist à qui a été remis récemment un volume d’hommage.

Cette discipline étant rare, le cours d’introduction à l’assyriologie est assuré cette année par le professeur Yigal Bloch, actuellement conservateur au Bible Lands Museum de Jérusalem et professeur invité à l’Université hébraïque de Jérusalem.

Intitulé Israel and Judah in the Age of the Mesopotamian Empires, le cours du professeur Y. Bloch a pour objectif de « présenter aux étudiants les sources mésopotamiennes qui éclairent les relations des royaumes bibliques d’Israël et de Juda avec les grandes puissances du début du premier millénaire avant Jésus-Christ – les empires néo-assyrien et néo-babylonien. Les sources pertinentes seront présentées en relation avec les descriptions bibliques des contacts d’Israël et de Juda avec les empires mésopotamiens ».

Ce cours de 12 heures, très spécialisé, est dispensé via zoom, en raison des circonstances sanitaires, et suivi par plusieurs étudiants et professeurs de l’École biblique. Chaque leçon est accompagnée d’une bibliographie, donc des sources et de la littérature secondaire à étudier.

Photographie : Sennacherib sur son trône (bas-relief de Lakish).


Souvenirs, souvenirs… Mémoires de Jérusalem (partie 1)

Vendredi 6 mars dernier, l’École biblique était à l’honneur à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres : le colloque « Le goût de l’Orient » rassemblait des membres des deux institutions à l’Institut de France pour célébrer le centenaire de la reconnaissance de l’EBAF comme École archéologique française. Parmi les orientalistes précédents, six anciens boursiers de l’AIBL venus témoigner de leur(s) année(s) académique(s) passées à l’EBAF.

Retrouvez dans ce premier article le discours de Claire Balandier, archéologue, maître de conférences en histoire ancienne du monde grec à l’Université d’Avignon, archéologue, membre de l’UMR 8210 AnHiMA (Anthropologie et histoire des mondes antiques), directrice de la Mission archéologique française à Paphos (Chypre) et Guillaume Bady, patrologue, chargé de recherche au CNRS, membre de l’UMR 5189 HiSoMA (Histoire et Sources des Mondes Antiques), directeur de l’Institut des Sources Chrétiennes.

Discours de Mme Claire Balandier

Monsieur le Secrétaire Perpétuel, Monsieur le Président, Monsieur le Directeur, chers collègues, chers amis,

c’est un véritable honneur pour moi de représenter l’ensemble des boursiers de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres à l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem dans le domaine de l’archéologie.

Si la majorité des boursiers sont venus à Jérusalem pour réaliser leur thèse de doctorat, j’étais déjà docteur quand j’ai eu le privilège d’être choisie par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres pour venir effectuer une recherche post doctorale à l’EBAF en 2002/2003. J’avais déjà eu un avant- goût de l’Orient à Chypre où j’étais assistante de fouilles depuis 1990 sur le chantier de l’École Française d’Athènes sur l’enceinte de la cité-royaume d’Amathonte et où j’avais réalisé ma thèse sur les fortifications et la défense des territoires de l’île de l’époque archaïque aux invasions arabes (VIIIe siècle av. J.-C.-VIIe siècle de n. è.). Dans le prolongement de cette recherche, il était logique de s’intéresser alors au Levant voisin, la Syrie-Palestine d’Hérodote, Transeuphratène des Perses achéménides et Syrie-Phénicie des Ptolémées.

Lorsque je suis arrivée à Jérusalem en octobre 2002, je me souviens encore de la lumière, des sons et des parfums qui m’ont enivrée au premier matin lorsque j’ai passé le portail de l’École pour me rendre porte de Damas, découvrir la vieille ville de Jérusalem. L’impression qui m’a saisie fut indescriptible: bien que j’ai vécu plus de deux ans dans la vieille ville de Nicosie, qui m’avait habituée aux cris et à l’agitation d’un marché oriental, aux appels à la prière des muezzins avec lesquels rivalisaient les cloches des églises de toutes obédiences, aux graffiti politiques sur les murs anciens que dissimulaient jasmins et bougainvillées, au passage de soldats en armes et de groupes de touristes peu concernés par le fait de traverser une ville coupée en deux… tout, à Jérusalem, était plus accentué… et il en était de même pour les émotions ressenties, que ce soit l’enthousiasme dans la découverte de lieux mythiques et historiques comme le découragement moral face aux difficultés quotidiennes que subissaient chaque jour les Palestiniens du quartier et le personnel de l’École, bloqués aux “check-points” (il n’y avait pas encore de mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie): en effet, très vite, la réalité a pris le dessus sur l’émerveillement; nous étions en pleine deuxième Intifada, la tension était palpable. En dehors de la possibilité de soutenir les “femmes en noir”, et aussi quelques hommes, laïcs et religieux de toutes religions, qui manifestaient chaque vendredi midi, place de France, leur désir de paix et leur opposition à la colonisation et à l’occupation des Territoires palestiniens, le sentiment pénible d’impuissance, le risque potentiel d’attentats et l’impossibilité de circuler librement nous a contraints à demeurer plus que nous ne l’aurions souhaité entre les murs, sécurisants, de l’EBAF. Egoïstement, il faut reconnaître qu’il y avait pire comme lieu de confinement et que cela fut loin d’être désagréable…

Comme tous les boursiers, j’ai ainsi suivi une série d’enseignements, tous plus passionnants les uns que les autres. Arrivée avec une formation d’historienne et d’archéologue, j’ai été particulièrement sensible à l’enseignement pluridisciplinaire, inestimable, dispensé à l’EBAF par des enseignants-chercheurs dominicains biblistes, historiens, philologues, archéologues, qui m’ont permis d’affiner la méthode historique que j’avais apprise à l’Université, grâce aux cours d’exégèse biblique de Francolino Gonçalvès sur les livres des Rois ou à ceux d’Étienne Nodet sur les livres des Maccabées, aux cours de rhétorique de Paolo Garuti, mais aussi à m’initier à l’assyriologie grâce à Marcel Sigrist, aux études qumraniques d’Emile Puech, à l’arabe littéraire enseigné par Krzysztof Modras, etc…. Surtout cette étude des textes, qui aurait pu être effectuée n’importe où, prenait une autre dimension en étant complétée par une étude des sources archéologiques, sur le matériel même issu des fouilles conduites par l’École ou dans les musées de Jérusalem au Musée de la Palestine (Rockfeller) ou au Musée d’Israël, enfin par l’approche topographique des lieux historiques. Je garde ainsi un souvenir exceptionnel des cours de topographie urbaine de Jerry Murphy O’Connor dans la vieille ville de Jérusalem et de ceux de Jean-Baptiste Humbert et des discussions passionnantes conduites au “Musée”, le bâtiment, qui, au fond du jardin de l’École, lui sert de laboratoire de recherches. La plupart des boursiers en archéologie ont eu la chance de participer aux recherches archéologiques conduites par l’École, longtemps à Tell Keisan, à la citadelle d’Amman ou Khirbet es-Samra en Jordanie, à Gaza. Lorsque je suis arrivée, à l’automne 2002, Jean-Baptiste Humbert travaillait dans la bande de Gaza, sur le site de Chati, au sauvetage d’une maison hellénistique dont le bas des murs épargnés par les bulldozers étaient décorés d’enduits peints aux couleurs contrastées, jaune, noire, rouge. La fermeture du check point de Gaza a brusquement interrompu ce chantier et a fait avorter le projet de repérage du tracé de l’enceinte classique de la ville antique que Jean-Baptiste Humbert souhaitait que nous réalisions : je garde un souvenir particulier de la matinée que nous avons passée à marcher, le long des dunes qui recouvraient les vestiges, pris en étau entre l’accroissement des camps de réfugiés et l’érosion marine. Je regrette de n’avoir pu être présente lorsque, en 2005, la reprise des travaux a permis de mettre au jour une porte de l’enceinte de la ville romaine et, sous ce niveau, celle d’époque hellénistique.

Les voyages à travers la région sont un autre élément fondamental de la formation offerte par l’École aux boursiers. D’une durée d’un à plusieurs jours, ils ont pour objectif de découvrir les paysages et les sites, évoqués par les textes bibliques et historiques. Se retrouver ainsi sur les pas des voyageurs qui nous ont fait rêver à l’Orient, tels que Chateaubriand, Renan, Lamartine et autres Pierre Loti, mais surtout dans les pas des pères Jaussen et Savignac, Abel, mais aussi de Marcel Baudry (que nous n’eûmes pas l’honneur de connaître, en raison de sa disparition prématurée et douloureuse, mais dont les pères et les anciens élèves ne cessaient d’évoquer le souvenir), il s’agit là d’expériences uniques : malgré la situation politique difficile, il avait ainsi été possible de se rendre sur les sites d’Arad, de Beersheba, et voir les villes byzantines du désert du Négueb et le cratère de Ramon, au bord de la mer morte, à Qumran, Aïn Feshkha et Massada, sur la côte, à Dor, Césarée, Saint-Jean-d’Acre, dans la vallée du Jourdain à Scythopolis et en Idumée à Lakish (Tell ed-Duweir). Je garde une émotion particulière de la randonnée dans le Wadi Qelt, du monastère Saint-Georges à Jéricho et dans le désert de Judée : marcher et dormir à la belle étoile, comme nos illustres prédécesseurs, au cœur d’une nature extraordinaire, face aux éléments, nous laissaient imaginer les expéditions qu’ils avaient conduites dans ces endroits longtemps reculés, qui nous permettaient d’oublier à la fois la civilisation contemporaine qui transforme, inexorablement, la vie traditionnelle des bédouins, mais aussi d’oublier les tensions politiques et militaires.

En revanche, il ne nous fut pas possible de nous rendre en Cisjordanie, en raison du bouclage des Territoires sous autorité palestinienne par l’armée israélienne. Ceci semblait compromettre la recherche que je devais conduire sur les fortifications de cette région, car les études de terrain étaient devenues impossibles. C’est donc surtout en bibliothèque que j’ai passé ma première année de recherches, soulagée de trouver là toutes les revues archéologiques et grandes collections que je ne pouvais consulter en France, notamment tous les rapports de fouilles jordaniens, palestiniens, israéliens, etc. La deuxième année, j’ai pu plus aisément travailler sur le terrain pour ma recherche conduite plus à l’Est, de l’autre côté du Jourdain, qui, pour les époques qui m’intéressaient, n’était pas une frontière mais une artère de circulation et de communication.

J’ai ainsi eu la chance que le conseil scientifique de l’École comme l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres veuillent bien accepter mon projet de réaliser un mémoire de deuxième année sur les fortifications de Transjordanie, ce qui me valut donc de passer une deuxième année à l’EBAF en 2003/2004. Celle-ci conforta aussi mon désir d’enseigner, de transmettre le goût de l’Orient et de la recherche. En effet, comme j’avais guidé des voyages en Grèce les années précédentes, le directeur de l’École d’alors, Jean-Michel Poffet, m’a proposé de prendre en charge les voyages de l’École et a accepté bien volontiers que je fasse précéder ceux-ci de cours de présentation historique et archéologique des sites que nous allions visiter, afin que ceux qui les découvraient pour la première fois puissent en tirer le meilleur bénéfice. J’ai beaucoup apprécié ces riches moments de rencontres, d’échanges culturels et humains.

Il nous est demandé si le passage par l’EBAF a eu un rôle dans notre carrière professionnelle. C’est indéniable. Mon entrée dans la carrière universitaire en a été facilitée (il m’a été clairement exprimée que plusieurs membres de la commission de recrutement de l’Université d’Avignon, où j’ai été recrutée comme Maître de Conférences en Histoire ancienne du monde grec, avaient été sensibles au fait que j’étais diplômée de l’EBAF, grâce aux deux mémoires que j’avais pu y réaliser et qui avaient été présentés au conseil scientifique de l’École comme à l’Académie). De même, la réalisation de mon Habilitation à diriger des Recherches a été facilitée par l’approfondissement de ces mémoires; un passage d’un mois à l’École, en janvier 2011, m’a permis de me rendre sur les sites de Cisjordanie dont l’accès était désormais possible, en dépit du mur érigé depuis que j’avais quitté l’École en juillet 2004.

Je suis très reconnaissante à Francolino Goncalvès, alors responsable des publications, d’avoir accueilli cette étude dans la nouvelle série de la collection des Etudes Bibliques. Ce dernier, dont la disparition récente nous a beaucoup peinés, avait répondu positivement à mon invitation à venir parler de ses travaux d’exégèse au séminaire de recherche de l’Université d’Avignon. Je me souviens encore de son enthousiasme à expliquer sa méthode à propos de la conquête néobabylonienne de Judah et des yeux brillants de l’auditoire. A priori, la mission archéologique française que j’ai pu fonder à Paphos, en 2008, grâce au soutien du Département des Antiquités de Chypre et de la Commission consultative pour la recherche archéologique à l’étranger du Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères n’avait pas de rapport avec l’EBAF. Et pourtant, d’anciens boursiers y ont participé comme fouilleurs ou sont aujourd’hui nos partenaires, polonais, dans le cadre d’un projet quadriennal financé par un programme européen (Horizon 2020) et des professeurs de l’École sont venus nous y visiter et participer aux deux premiers colloques internationaux consacrés à ce site en Avignon en 2012, puis à Paphos même en 2017. Nous nous sommes aussi retrouvés, lors de récentes rencontres scientifiques organisées par le Cyprus Research Institute à Nicosie, rassemblant les représentants des Écoles et Instituts archéologiques français œuvrant en Méditerranée orientale. En effet, être boursier à l’École ce fut aussi cela, nouer des liens intellectuels et amicaux inégalables, avoir la chance de côtoyer des chercheurs de tous horizons et notamment les plus âgés des dominicains, tels que le père Emile Boismard ou François Langlamet, mémoire de l’École, qui avaient plaisir à partager avec nous, à table, leur passion pour leurs recherches, leurs doutes aussi parfois, les souvenirs de “leur” Palestine et de “leur” Orient, leurs enthousiasmes et aussi leurs désillusions, leurs espoirs.

Pour conclure, en bref, je dirai qu’être un(e) ancien(ne) boursier(ère) de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres à l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem c’est appartenir, en définitive, à une véritable confrérie scientifique et humaine.

Claire Balandier

Discours de M. Guillaume Bady

Monsieur le Secrétaire perpétuel,

Monsieur le Président,

Monsieur le Directeur,

Mesdames et Messieurs,

C’est un honneur pour moi d’être appelé à représenter en quelque sorte, parmi les boursiers de l’École biblique, la patristique, à savoir l’étude des Pères de l’Église ou des auteurs chrétiens des premiers siècles, en ce lieu où j’ai gardé un vif souvenir de la manière dont M. Jean Leclant m’a reçu à l’époque. Je tiens également à évoquer également ici M. Antoine Guillaumont, qui avait écrit un rapport, très important pour moi, sur le mémoire que j’avais rédigé.

J’ai été boursier de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres en 1997-1998 et élève de l’École biblique, à l’époque où le P. Claude Geffré en était le directeur. Étudiant en lettres classiques, je travaillais sur certains Pères grecs. N’étant point du tout archéologue, recoller des tessons n’était donc a priori pas mon fort, mais le décalque, à l’encre, de mosaïques pour Jean-Baptiste Humbert m’a notamment permis de constater qu’un mosaïste antique pouvait réaliser un chef d’œuvre sans rien comprendre des lettres grecques qu’il recopiait – ou plutôt qu’il imitait comme si c’étaient des animaux exotiques. Mais c’est là le moindre des acquis de cette année. « Qu’aura de plus celui qui s’est rendu » à Jérusalem ? demandait en effet Grégoire de Nysse déjà au IVe siècle[1]. Le Cappadocien, même s’il était choqué par les mœurs de Jérusalem et désabusé après ses déboires sur place, n’en pose pas moins une bonne question.

Pour moi cette année a été très positive, et même décisive, je m’y suis fait beaucoup d’amis – et pourtant j’y ne suis jamais retourné. D’une part, les moments passés en compagnie de personnes en uniforme à l’aéroport ou ailleurs, tout comme les attentats répétés contre les civils, m’ont donné envie de ne plus jamais revivre ça ; d’autre part, j’ai découvert en rentrant en France à quel point la paix, le fait de respirer dans un pays qui n’est pas continuellement en guerre, pouvait être une sensation physique absolument inestimable. La première chose que cette année à l’École biblique m’a apprise, c’est donc le sens, contrasté et concret, de la paix, ainsi que l’exemple d’une Jérusalem cristallisant bien des conflits, mais abritant aussi la plus grande diversité, la plus étonnante cohabitation religieuse que j’aie jamais vue.

Avec la géopolitique, qui n’était pas au programme en tant que telle, c’est évidemment la géographie dite biblique que, de manière à la fois critique et vivante, l’École biblique m’a fait découvrir, avec Marcel Beaudry pour guide. Impossible de lire la Bible comme avant, sans que des images, des odeurs, mille impressions ne surgissent au détour des pages.

La Bible étant au cœur des textes patristiques, Monique Alexandre, à la Sorbonne, m’a vivement conseillé, comme elle le faisait régulièrement à ses étudiants, d’aller à l’École biblique. Et cela m’a tellement plu qu’à la fin de l’année, encouragé par Émile Puech, j’ai même pensé m’orienter plutôt du côté des recherches sur Qumran – avant que les Pères me rattrapent et que je sois recruté comme chercheur au CNRS, affecté à l’UMR HiSoMA, Histoire et Sources des Mondes Antiques, plus précisément aux Sources Chrétiennes, à Lyon, où je travaille toujours. Je n’en ai pas moins gardé une sorte de tropisme. Récemment un collègue me faisait remarquer – je ne m’en étais pas paerçu moi-même – que toutes mes recherches tournaient autour de la Bible. Le Commentaire sur les Proverbes attribué à Jean Chrysostome, le texte lucianique de la Septante, l’enseignement, depuis plus de 15 ans, à l’Institut Catholique de Paris sur la Bible grecque – malheureusement le seul cours d’intiation qui existe nommément là-dessus en France –, l’introduction et la traduction annotée du 3e Esdras dans la nouvelle Traduction Œcuménique de la Bible, quelques recherches sur les divisions anciennes du texte de l’Ancien Testament… Et je ne peux pas ne pas citer le projet Biblindex, dirigé par ma collègue Laurence Mellerin : cet index en ligne des références bibliques chez les auteurs chrétiens des premiers siècles, hérité des données du Centre d’Analyse et de Documentation Patristique de Strasbourg. La base de données comporte – le fait est significatif venant de patrologues – une concordance fine de 12 bibles. Biblindex motive aussi la tenue mensuelle d’un séminaire depuis bientôt 10 ans, dont les communications sont publiées dans les Cahiers de Biblindex au sein des Cahiers de Biblia Patristica ; Olivier-Thomas Venard est venu y parler et, depuis l’an dernier, il se réunit régulièrement dans le but, précisément, de fournir l’annotation patristique de l’Ecclésiaste pour le rouleau de la Bible En Ses Traditions.

Pour moi, il y a là un juste retour des choses, mais aussi la conviction que cette façon d’étudier la Bible, non pas en la lisant simplement telle qu’elle apparaît aujourd’hui, ni en cherchant un original hypothétique, mais en s’intéressant à son sens dans l’histoire, dès l’antiquité, est plus que jamais légitime. Le succès des Lectures de la Bible du ier au xve siècle, ouvrage collectif paru en 2017 sous la direction de Laurence Mellerin, le manifeste bien. Et cet ancrage dans l’histoire – sans parler des témoignages inestimables pour l’histoire du texte – n’est pas le seul intérêt des écrits patristiques et médiévaux pour la Bible. À mon avis, les traditions patristiques permettent aussi d’opérer un rééquilibrage et une réorientation : un rééquilibrage du côté du judaïsme et de l’Ancien Testament, qui par rapport à notre époque était beaucoup plus cité par les Pères que le Nouveau (encore aujourd’hui, si d’ambitieux projets visent à un recensement exhaustif des leçons patristiques du texte néotestamentaire, seule une poignée de courageux s’attelle à l’édition de la Septante), et une réorientation plus décomplexée vers un sens actualisé des Écritures, c’est-à-dire non plus seulement à partir d’un Urtext plus ou moins fantasmatique, mais parce que l’actualisation a toujours fait partie du texte lui-même.

Ce centenaire de l’École biblique n’est-il pas une occasion rêvée de rendre plus que jamais actuelle l’étude de la Bible qui est l’origine et la visée même de sa création ? Car je le dis aujourd’hui avec une immense reconnaissance : l’École biblique a contribué à me rendre la Bible actuelle, et même, en quelque sorte, sans fin.

Guillaume Bady

[1] Lettre 2, 8, trad. P. Maraval, SC 363, p. 115.



L’ÉCOLE BIBLIQUE À L’HONNEUR À L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES

Le 6 mars dernier, une délégation de l’École biblique de Jérusalem était reçue à l’Institut de France par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (AIBL) dans le cadre de la célébration du centenaire de la reconnaissance de l’École comme École archéologique française. Rendre compte et transmettre « Le goût de l’Orient », telle était la thématique de la journée. Le colloque de la matinée a laissé place à la séance hebdomadaire de l’Académie dans l’après-midi.

La journée a été introduite par M. Michel Zink, Secrétaire perpétuel de l’AIBL le Fr. Jean Jacques Pérennès o.p., directeur de l’EBAF, et Mme Odile Flichy, vice-présidente de l’Association des Amis de l’EBAF.

Dominique Trimbur, chercheur associé au CRFJ, a ensuite présenté le contexte historique de la création et de la reconnaissance institutionnelle de l’École biblique de Jérusalem comme Ecole archéologique française en 1920, au début du mandat britannique sur la Palestine.

Une table-ronde, animée par Mme Estelle Villeneuve, archéologue de l’Université de Nanterre, a ensuite réuni six anciens élèves de l’EBAF, boursiers de l’Académie : Mme Claire Balandier, archéologue, M. Philippe Abrahami, assyriologue, M. Guillaume Bady, patrologue, M. Kevin Tréhuedic, historien, M. Matthieu Richelle, épigraphiste, et Mme Mathilde Boudier, doctorante en histoire médiévale. À tour de rôle, chacun et chacune a exposé le bienfait qu’il a tiré de ce passage à l’EBAF, aux plans intellectuel, humain, spirituel. Les intervenants ont particulièrement souligné la richesse de ces années passées au contact du pays de la Bible et des dominicains de Jérusalem et la marque intellectuelle et humaine que cela a laissé et qui les porte aujourd’hui encore.

Michael Langlois, chercheur associé au CRFJ et auxiliaire de l’Académie, a clôturé cette matinée par une intervention soulignant le lien entre orientalisme et études bibliques, depuis la fondation de l’École biblique.

L’après-midi, Fr. Jean-Baptiste Humbert o.p., archéologue, professeur émérite à l’EBAF et membre correspondant de l’AIBL a présenté « quelques réflexions sur un siècle de collaboration », avant de laisser la parole au Fr. Jean Jacques Pérennès o.p. dont la communication avait pour titre : « L’École biblique en 2020 : des intuitions de Lagrange aux défis d’aujourd’hui ». Les temps ont changé depuis la génération des fondateurs, mais l’EBAF reste convaincue, comme Lagrange, de l’intérêt d’étudier la Bible au pays de la Bible. Mais elle le fait aujourd’hui en partenariat avec de nombreuses universités et centres de recherche à travers le monde et s’enrichit de cette collaboration. Cela porte ses fruits malgré les aléas de l’histoire, qui, comme au temps de Lagrange restent parfois très lourds.

La journée s’est achevée par une remise de Mélanges d’assyriologie au Fr. Marcel Sigrist o.p., en hommage pour son travail scientifique et en signe de gratitude pour son dévouement désintéressé au service de l’École durant quatre décennies.

Tout au long de la journée, l’estime et la cordialité étaient palpables entre les dominicains de Jérusalem et les savants qui composent l’Académie, ainsi que ses anciens boursiers. Une célébration de centenaire qui avait un goût d’avenir.

Pour lire l’article de La Croix, cliquez ici.

Pour visionner l’interview du Fr. Jean Jacques Pérennès o.p. dans l’émission “À la source” de KTO TV, cliquez ici.

Introduction du colloque par M. Michel Zink

Vue d’ensemble lors du colloque, dans la mâtinée

Mot du Fr. Jean Jacques Pérennès o.p.

Intervention de M. Dominique Trimbur

Mme Estelle Villeneuve, elle-même ancienne boursière, préside la table-ronde

Intervention de Mme Claire Balandier

Intervention de M. Philippe Abrahami

Présence de l’un de nos éditeurs, M. Paul Peeters

M. Anwar Abu Eisheh, ancien ministre de la culture palestinien, nous a fait l’amitié d’assister au colloque

Intervention de M. Guillaume Bady

Intervention de M. Kevin Tréhuedic

Intervention de M. Matthieu Richelle

Intervention de Mme Mathilde Boudier

Intervention de M. Michael Langlois

Présence du Fr. Bruno Cadoré o.p. (à gauche), ancien Maitre de l’Ordre des dominicains (2010-2019), et du Fr. Joseph Almeida o.p. (à droite), directeur de la bibliothèque du Saulchoir

Une “photo de classe” de la journée avec quelques intervenants et présents

Ouverture de la séance de l’Académie en présence de M. René Troccaz (à droite), consul de France à Jérusalem

Intervention du Fr. Jean-Baptiste Humbert o.p.

Vue d’ensemble de la séance de l’après-midi

Une salle comble

Une salle comble

Intervention du Fr. Jean Jacques Pérennès o.p.

Remise officielle de Mélanges d’assyriologie au Fr. Marcel Sigrist o.p.

Discours de remerciements du Fr. Marcel Sigrist o.p.