Pour faire un don depuis la Suisse, contactez Fr. Jean-Michel Poffet, o.p.
poffetop@gmail.com
Couvent saint Hyacinthe
8 Rue du Botzet, 1700 Fribourg, Suisse
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Dans le cadre des relations de bon voisinage et du partenariat scientifique qui rapprochent l’École biblique et archéologique française de Jérusalem et la bibliothèque et l’Institut Albright (Albright Institute of Archaeological Research), leurs bibliothèques respectives procèdent régulièrement à des échanges d’ouvrages.
Ces deux institutions académiques majeures partagent leurs ouvrages en doubles afin de compléter leurs collections et de rendre ainsi possible l’acquisition de livres souvent épuisés, rares ou très chers sur le marché.
Le 11 mars 2024, le père Bernard Ntamak, op., bibliothécaire en chef de l’École et Mme Emily Johnson, bibliothécaire en chef de l’Albright Institute, ont procédé à un échange qui ferait rêver plus d’un chercheur ! Chacune des institutions a proposé à l’autre 15 volumes importants tirés de ses réserves de doubles.
Pour l’Ebaf les 15 volumes présentés vont de l’archéologie aux inscriptions en passant par Levant, et comprennent un rapport de fouilles en trois volumes, aujourd’hui épuisé.
Du côté de l’Institut Albright les 15 volumes donnés en contrepartie aideront les chercheurs de l’École sur des questions telles que l’histoire ancienne, l’archéologie, la culture matérielle et le Levant, et comprennent des numéros de revues actuels ainsi que deux livres rares.
La mutualisation de ces ressources académiques précieuses témoigne de l’engagement de nos deux institutions dans la promotion d’un environnement favorable à la diffusion du savoir et à la coopération scientifique en Terre sainte !
Christian Heck est un ancien professeur d’histoire de l’Art à l’université de Lille-III et aujourd’hui membre senior de l’Institut Universitaire de France et titulaire de la chair d’iconographie médiévale. Au fil de ses recherches, il a tissé des liens avec l’École Biblique.
Suite au décès de l’artiste Pierre Soulages, avec lequel il avait étroitement travaillé, l’École a souhaité le faire intervenir afin de nous présenter son travail de recherche sur ce peintre qui aura bouleversé le monde de l’art.
Christian, pouvez-vous nous en dire un petit peu plus sur votre parcours ?
Je n’ai jamais regretté d’avoir choisi, à l’université, les études d’histoire de l’art et d’archéologie. L’histoire de l’art, dont la meilleure définition serait « l’apprentissage du regard », n’a pu que nourrir la rencontre, dans le parcours d’une vie, avec les créations humaines de toutes civilisations et de toutes périodes. Par ailleurs, j’eu la chance, comme spécialiste de l’art médiéval occidental, de travailler à la fois dans le monde des musées, ayant passé dix ans comme conservateur en chef du Musée d’Unterlinden à Colmar (avec entre autres l’exceptionnel Retable d’Issenheim, de Grünewald), et dans le monde universitaire, ayant été professeur successivement aux universités de Strasbourg puis de Lille, avant de terminer avec une chaire d’iconographie médiévale, comme Membre senior de l’Institut Universitaire de France.
Quel est votre lien avec l’École Biblique ?
Un séjour de quelques jours pour un colloque universitaire à Jérusalem il y’a quelques années m’a permis de connaître l’EBAF, et le projet superbe de la BEST. Rapidement, j’ai pu proposer à ses responsables de contribuer au volet Histoire de l’art.
Par ailleurs, pour un travail en iconographie médiévale, il est évident que tout travail concernant le texte biblique est un apport essentiel.
Le livre que je publie cet automne sur l’iconographie du retable de l’Annonciation d’Aix-en-Provence (peint par Barthélémy d’Eyck en 1443-1444), est totalement nourri d’un travail à travers l’exégèse biblique des Pères de l’Eglise et des théologiens du Moyen Âge.
Que représente le peintre Pierre Soulages pour vous ?
Quarante années d’une relation profondément intime, commencée lorsque j’ai organisé une exposition de ses peintures au musée de Colmar. De rencontres en entretiens, Soulages a été profondément heureux des textes que j’ai commencé à écrire sur sa peinture, et il m’a proposé, par la suite, de suivre le travail qu’il a mené pendant plusieurs années pour réaliser les vitraux de Conques, inaugurés en 1994. Il n’est pas nécessaire de rappeler la place de ses créations dans l’art du XXe et du début du XXIe siècle.
Lorsque l’École Biblique m’a proposé d’intervenir dans le cadre des conférences du Jeudi, j’ai proposé ce thème, en résonance avec une nouvelle recherche que j’ai menée sur ces vitraux et le lien avec la peinture de Soulages, depuis 2019, à la demande de Pierre et Colette Soulages, recherche qui a pris la forme finale d’un livre qui va paraître à la fin d’octobre 2023.
La conférence n’a pas pu être enregistrée, afin de garder l’exclusivité pour la sortie de votre livre.
Mais alors, pouvez-vous nous dire quelques mots sur ces vitraux et le formidable travail réalisé à Conques ?
A Conques, les vitraux de Soulages ne se servent pas de la lumière ; ils la servent. Je voudrais citer trois paroles de Soulages à propos de cette création.
« C’est ce qui m’a fortement impressionné dans cette aventure : créer pour un tel lieu une matière qui marque l’écoulement du temps est une rencontre qui a un sens profond et qui a beaucoup compté dans la suite de mon travail ».
Ailleurs : « On ne se rend pas compte à quel point tout ce que je fais est lié aux vitraux que j’ai réalisés à Conques, c’est-à-dire à la lumière ».
Et enfin : « la lumière diffuse que je souhaitais […] une lumière prise dans le verre même […] Cette lumière « transmutée » a la qualité émotionnelle, l’intériorité que je recherchais, qualité métaphysique en accord avec le caractère sacré de cette architecture ».
Par sa pratique, dans une quête à l’écoute de régions intérieures « secrètes et essentielles », Soulages fait sourdre, du noir des tableaux, du blanc de la masse du verre des baies de Conques, une lumière transfigurée, qui nous invite à entrer dans l’espace qui s’y déploie, et à nous laisser toucher par la réalité des formes, à vivre une expérience de la lumière intérieure.
Présence de la lumière inaccessible. Les vitraux de Conques et la peinture de Soulages.
Christian HECK, Ancien Membre senior de l’Institut Universitaire de France,
Professeur émérite d’histoire de l’art à l’Université de Lille
Vendredi 6 mars dernier, l’École biblique était à l’honneur à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres : le colloque « Le goût de l’Orient » rassemblait des membres des deux institutions à l’Institut de France pour célébrer le centenaire de la reconnaissance de l’EBAF comme École archéologique française. Parmi les orientalistes précédents, six anciens boursiers de l’AIBL venus témoigner de leur(s) année(s) académique(s) passées à l’EBAF.
Retrouvez dans ce premier article le discours de Claire Balandier, archéologue, maître de conférences en histoire ancienne du monde grec à l’Université d’Avignon, archéologue, membre de l’UMR 8210 AnHiMA (Anthropologie et histoire des mondes antiques), directrice de la Mission archéologique française à Paphos (Chypre) et Guillaume Bady, patrologue, chargé de recherche au CNRS, membre de l’UMR 5189 HiSoMA (Histoire et Sources des Mondes Antiques), directeur de l’Institut des Sources Chrétiennes.
Monsieur le Secrétaire Perpétuel, Monsieur le Président, Monsieur le Directeur, chers collègues, chers amis,
c’est un véritable honneur pour moi de représenter l’ensemble des boursiers de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres à l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem dans le domaine de l’archéologie.
Si la majorité des boursiers sont venus à Jérusalem pour réaliser leur thèse de doctorat, j’étais déjà docteur quand j’ai eu le privilège d’être choisie par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres pour venir effectuer une recherche post doctorale à l’EBAF en 2002/2003. J’avais déjà eu un avant- goût de l’Orient à Chypre où j’étais assistante de fouilles depuis 1990 sur le chantier de l’École Française d’Athènes sur l’enceinte de la cité-royaume d’Amathonte et où j’avais réalisé ma thèse sur les fortifications et la défense des territoires de l’île de l’époque archaïque aux invasions arabes (VIIIe siècle av. J.-C.-VIIe siècle de n. è.). Dans le prolongement de cette recherche, il était logique de s’intéresser alors au Levant voisin, la Syrie-Palestine d’Hérodote, Transeuphratène des Perses achéménides et Syrie-Phénicie des Ptolémées.
Lorsque je suis arrivée à Jérusalem en octobre 2002, je me souviens encore de la lumière, des sons et des parfums qui m’ont enivrée au premier matin lorsque j’ai passé le portail de l’École pour me rendre porte de Damas, découvrir la vieille ville de Jérusalem. L’impression qui m’a saisie fut indescriptible: bien que j’ai vécu plus de deux ans dans la vieille ville de Nicosie, qui m’avait habituée aux cris et à l’agitation d’un marché oriental, aux appels à la prière des muezzins avec lesquels rivalisaient les cloches des églises de toutes obédiences, aux graffiti politiques sur les murs anciens que dissimulaient jasmins et bougainvillées, au passage de soldats en armes et de groupes de touristes peu concernés par le fait de traverser une ville coupée en deux… tout, à Jérusalem, était plus accentué… et il en était de même pour les émotions ressenties, que ce soit l’enthousiasme dans la découverte de lieux mythiques et historiques comme le découragement moral face aux difficultés quotidiennes que subissaient chaque jour les Palestiniens du quartier et le personnel de l’École, bloqués aux “check-points” (il n’y avait pas encore de mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie): en effet, très vite, la réalité a pris le dessus sur l’émerveillement; nous étions en pleine deuxième Intifada, la tension était palpable. En dehors de la possibilité de soutenir les “femmes en noir”, et aussi quelques hommes, laïcs et religieux de toutes religions, qui manifestaient chaque vendredi midi, place de France, leur désir de paix et leur opposition à la colonisation et à l’occupation des Territoires palestiniens, le sentiment pénible d’impuissance, le risque potentiel d’attentats et l’impossibilité de circuler librement nous a contraints à demeurer plus que nous ne l’aurions souhaité entre les murs, sécurisants, de l’EBAF. Egoïstement, il faut reconnaître qu’il y avait pire comme lieu de confinement et que cela fut loin d’être désagréable…
Comme tous les boursiers, j’ai ainsi suivi une série d’enseignements, tous plus passionnants les uns que les autres. Arrivée avec une formation d’historienne et d’archéologue, j’ai été particulièrement sensible à l’enseignement pluridisciplinaire, inestimable, dispensé à l’EBAF par des enseignants-chercheurs dominicains biblistes, historiens, philologues, archéologues, qui m’ont permis d’affiner la méthode historique que j’avais apprise à l’Université, grâce aux cours d’exégèse biblique de Francolino Gonçalvès sur les livres des Rois ou à ceux d’Étienne Nodet sur les livres des Maccabées, aux cours de rhétorique de Paolo Garuti, mais aussi à m’initier à l’assyriologie grâce à Marcel Sigrist, aux études qumraniques d’Emile Puech, à l’arabe littéraire enseigné par Krzysztof Modras, etc…. Surtout cette étude des textes, qui aurait pu être effectuée n’importe où, prenait une autre dimension en étant complétée par une étude des sources archéologiques, sur le matériel même issu des fouilles conduites par l’École ou dans les musées de Jérusalem au Musée de la Palestine (Rockfeller) ou au Musée d’Israël, enfin par l’approche topographique des lieux historiques. Je garde ainsi un souvenir exceptionnel des cours de topographie urbaine de Jerry Murphy O’Connor dans la vieille ville de Jérusalem et de ceux de Jean-Baptiste Humbert et des discussions passionnantes conduites au “Musée”, le bâtiment, qui, au fond du jardin de l’École, lui sert de laboratoire de recherches. La plupart des boursiers en archéologie ont eu la chance de participer aux recherches archéologiques conduites par l’École, longtemps à Tell Keisan, à la citadelle d’Amman ou Khirbet es-Samra en Jordanie, à Gaza. Lorsque je suis arrivée, à l’automne 2002, Jean-Baptiste Humbert travaillait dans la bande de Gaza, sur le site de Chati, au sauvetage d’une maison hellénistique dont le bas des murs épargnés par les bulldozers étaient décorés d’enduits peints aux couleurs contrastées, jaune, noire, rouge. La fermeture du check point de Gaza a brusquement interrompu ce chantier et a fait avorter le projet de repérage du tracé de l’enceinte classique de la ville antique que Jean-Baptiste Humbert souhaitait que nous réalisions : je garde un souvenir particulier de la matinée que nous avons passée à marcher, le long des dunes qui recouvraient les vestiges, pris en étau entre l’accroissement des camps de réfugiés et l’érosion marine. Je regrette de n’avoir pu être présente lorsque, en 2005, la reprise des travaux a permis de mettre au jour une porte de l’enceinte de la ville romaine et, sous ce niveau, celle d’époque hellénistique.
Les voyages à travers la région sont un autre élément fondamental de la formation offerte par l’École aux boursiers. D’une durée d’un à plusieurs jours, ils ont pour objectif de découvrir les paysages et les sites, évoqués par les textes bibliques et historiques. Se retrouver ainsi sur les pas des voyageurs qui nous ont fait rêver à l’Orient, tels que Chateaubriand, Renan, Lamartine et autres Pierre Loti, mais surtout dans les pas des pères Jaussen et Savignac, Abel, mais aussi de Marcel Baudry (que nous n’eûmes pas l’honneur de connaître, en raison de sa disparition prématurée et douloureuse, mais dont les pères et les anciens élèves ne cessaient d’évoquer le souvenir), il s’agit là d’expériences uniques : malgré la situation politique difficile, il avait ainsi été possible de se rendre sur les sites d’Arad, de Beersheba, et voir les villes byzantines du désert du Négueb et le cratère de Ramon, au bord de la mer morte, à Qumran, Aïn Feshkha et Massada, sur la côte, à Dor, Césarée, Saint-Jean-d’Acre, dans la vallée du Jourdain à Scythopolis et en Idumée à Lakish (Tell ed-Duweir). Je garde une émotion particulière de la randonnée dans le Wadi Qelt, du monastère Saint-Georges à Jéricho et dans le désert de Judée : marcher et dormir à la belle étoile, comme nos illustres prédécesseurs, au cœur d’une nature extraordinaire, face aux éléments, nous laissaient imaginer les expéditions qu’ils avaient conduites dans ces endroits longtemps reculés, qui nous permettaient d’oublier à la fois la civilisation contemporaine qui transforme, inexorablement, la vie traditionnelle des bédouins, mais aussi d’oublier les tensions politiques et militaires.
En revanche, il ne nous fut pas possible de nous rendre en Cisjordanie, en raison du bouclage des Territoires sous autorité palestinienne par l’armée israélienne. Ceci semblait compromettre la recherche que je devais conduire sur les fortifications de cette région, car les études de terrain étaient devenues impossibles. C’est donc surtout en bibliothèque que j’ai passé ma première année de recherches, soulagée de trouver là toutes les revues archéologiques et grandes collections que je ne pouvais consulter en France, notamment tous les rapports de fouilles jordaniens, palestiniens, israéliens, etc. La deuxième année, j’ai pu plus aisément travailler sur le terrain pour ma recherche conduite plus à l’Est, de l’autre côté du Jourdain, qui, pour les époques qui m’intéressaient, n’était pas une frontière mais une artère de circulation et de communication.
J’ai ainsi eu la chance que le conseil scientifique de l’École comme l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres veuillent bien accepter mon projet de réaliser un mémoire de deuxième année sur les fortifications de Transjordanie, ce qui me valut donc de passer une deuxième année à l’EBAF en 2003/2004. Celle-ci conforta aussi mon désir d’enseigner, de transmettre le goût de l’Orient et de la recherche. En effet, comme j’avais guidé des voyages en Grèce les années précédentes, le directeur de l’École d’alors, Jean-Michel Poffet, m’a proposé de prendre en charge les voyages de l’École et a accepté bien volontiers que je fasse précéder ceux-ci de cours de présentation historique et archéologique des sites que nous allions visiter, afin que ceux qui les découvraient pour la première fois puissent en tirer le meilleur bénéfice. J’ai beaucoup apprécié ces riches moments de rencontres, d’échanges culturels et humains.
Il nous est demandé si le passage par l’EBAF a eu un rôle dans notre carrière professionnelle. C’est indéniable. Mon entrée dans la carrière universitaire en a été facilitée (il m’a été clairement exprimée que plusieurs membres de la commission de recrutement de l’Université d’Avignon, où j’ai été recrutée comme Maître de Conférences en Histoire ancienne du monde grec, avaient été sensibles au fait que j’étais diplômée de l’EBAF, grâce aux deux mémoires que j’avais pu y réaliser et qui avaient été présentés au conseil scientifique de l’École comme à l’Académie). De même, la réalisation de mon Habilitation à diriger des Recherches a été facilitée par l’approfondissement de ces mémoires; un passage d’un mois à l’École, en janvier 2011, m’a permis de me rendre sur les sites de Cisjordanie dont l’accès était désormais possible, en dépit du mur érigé depuis que j’avais quitté l’École en juillet 2004.
Je suis très reconnaissante à Francolino Goncalvès, alors responsable des publications, d’avoir accueilli cette étude dans la nouvelle série de la collection des Etudes Bibliques. Ce dernier, dont la disparition récente nous a beaucoup peinés, avait répondu positivement à mon invitation à venir parler de ses travaux d’exégèse au séminaire de recherche de l’Université d’Avignon. Je me souviens encore de son enthousiasme à expliquer sa méthode à propos de la conquête néobabylonienne de Judah et des yeux brillants de l’auditoire. A priori, la mission archéologique française que j’ai pu fonder à Paphos, en 2008, grâce au soutien du Département des Antiquités de Chypre et de la Commission consultative pour la recherche archéologique à l’étranger du Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères n’avait pas de rapport avec l’EBAF. Et pourtant, d’anciens boursiers y ont participé comme fouilleurs ou sont aujourd’hui nos partenaires, polonais, dans le cadre d’un projet quadriennal financé par un programme européen (Horizon 2020) et des professeurs de l’École sont venus nous y visiter et participer aux deux premiers colloques internationaux consacrés à ce site en Avignon en 2012, puis à Paphos même en 2017. Nous nous sommes aussi retrouvés, lors de récentes rencontres scientifiques organisées par le Cyprus Research Institute à Nicosie, rassemblant les représentants des Écoles et Instituts archéologiques français œuvrant en Méditerranée orientale. En effet, être boursier à l’École ce fut aussi cela, nouer des liens intellectuels et amicaux inégalables, avoir la chance de côtoyer des chercheurs de tous horizons et notamment les plus âgés des dominicains, tels que le père Emile Boismard ou François Langlamet, mémoire de l’École, qui avaient plaisir à partager avec nous, à table, leur passion pour leurs recherches, leurs doutes aussi parfois, les souvenirs de “leur” Palestine et de “leur” Orient, leurs enthousiasmes et aussi leurs désillusions, leurs espoirs.
Pour conclure, en bref, je dirai qu’être un(e) ancien(ne) boursier(ère) de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres à l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem c’est appartenir, en définitive, à une véritable confrérie scientifique et humaine.
Claire Balandier
Monsieur le Secrétaire perpétuel,
Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs,
C’est un honneur pour moi d’être appelé à représenter en quelque sorte, parmi les boursiers de l’École biblique, la patristique, à savoir l’étude des Pères de l’Église ou des auteurs chrétiens des premiers siècles, en ce lieu où j’ai gardé un vif souvenir de la manière dont M. Jean Leclant m’a reçu à l’époque. Je tiens également à évoquer également ici M. Antoine Guillaumont, qui avait écrit un rapport, très important pour moi, sur le mémoire que j’avais rédigé.
J’ai été boursier de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres en 1997-1998 et élève de l’École biblique, à l’époque où le P. Claude Geffré en était le directeur. Étudiant en lettres classiques, je travaillais sur certains Pères grecs. N’étant point du tout archéologue, recoller des tessons n’était donc a priori pas mon fort, mais le décalque, à l’encre, de mosaïques pour Jean-Baptiste Humbert m’a notamment permis de constater qu’un mosaïste antique pouvait réaliser un chef d’œuvre sans rien comprendre des lettres grecques qu’il recopiait – ou plutôt qu’il imitait comme si c’étaient des animaux exotiques. Mais c’est là le moindre des acquis de cette année. « Qu’aura de plus celui qui s’est rendu » à Jérusalem ? demandait en effet Grégoire de Nysse déjà au IVe siècle[1]. Le Cappadocien, même s’il était choqué par les mœurs de Jérusalem et désabusé après ses déboires sur place, n’en pose pas moins une bonne question.
Pour moi cette année a été très positive, et même décisive, je m’y suis fait beaucoup d’amis – et pourtant j’y ne suis jamais retourné. D’une part, les moments passés en compagnie de personnes en uniforme à l’aéroport ou ailleurs, tout comme les attentats répétés contre les civils, m’ont donné envie de ne plus jamais revivre ça ; d’autre part, j’ai découvert en rentrant en France à quel point la paix, le fait de respirer dans un pays qui n’est pas continuellement en guerre, pouvait être une sensation physique absolument inestimable. La première chose que cette année à l’École biblique m’a apprise, c’est donc le sens, contrasté et concret, de la paix, ainsi que l’exemple d’une Jérusalem cristallisant bien des conflits, mais abritant aussi la plus grande diversité, la plus étonnante cohabitation religieuse que j’aie jamais vue.
Avec la géopolitique, qui n’était pas au programme en tant que telle, c’est évidemment la géographie dite biblique que, de manière à la fois critique et vivante, l’École biblique m’a fait découvrir, avec Marcel Beaudry pour guide. Impossible de lire la Bible comme avant, sans que des images, des odeurs, mille impressions ne surgissent au détour des pages.
La Bible étant au cœur des textes patristiques, Monique Alexandre, à la Sorbonne, m’a vivement conseillé, comme elle le faisait régulièrement à ses étudiants, d’aller à l’École biblique. Et cela m’a tellement plu qu’à la fin de l’année, encouragé par Émile Puech, j’ai même pensé m’orienter plutôt du côté des recherches sur Qumran – avant que les Pères me rattrapent et que je sois recruté comme chercheur au CNRS, affecté à l’UMR HiSoMA, Histoire et Sources des Mondes Antiques, plus précisément aux Sources Chrétiennes, à Lyon, où je travaille toujours. Je n’en ai pas moins gardé une sorte de tropisme. Récemment un collègue me faisait remarquer – je ne m’en étais pas paerçu moi-même – que toutes mes recherches tournaient autour de la Bible. Le Commentaire sur les Proverbes attribué à Jean Chrysostome, le texte lucianique de la Septante, l’enseignement, depuis plus de 15 ans, à l’Institut Catholique de Paris sur la Bible grecque – malheureusement le seul cours d’intiation qui existe nommément là-dessus en France –, l’introduction et la traduction annotée du 3e Esdras dans la nouvelle Traduction Œcuménique de la Bible, quelques recherches sur les divisions anciennes du texte de l’Ancien Testament… Et je ne peux pas ne pas citer le projet Biblindex, dirigé par ma collègue Laurence Mellerin : cet index en ligne des références bibliques chez les auteurs chrétiens des premiers siècles, hérité des données du Centre d’Analyse et de Documentation Patristique de Strasbourg. La base de données comporte – le fait est significatif venant de patrologues – une concordance fine de 12 bibles. Biblindex motive aussi la tenue mensuelle d’un séminaire depuis bientôt 10 ans, dont les communications sont publiées dans les Cahiers de Biblindex au sein des Cahiers de Biblia Patristica ; Olivier-Thomas Venard est venu y parler et, depuis l’an dernier, il se réunit régulièrement dans le but, précisément, de fournir l’annotation patristique de l’Ecclésiaste pour le rouleau de la Bible En Ses Traditions.
Pour moi, il y a là un juste retour des choses, mais aussi la conviction que cette façon d’étudier la Bible, non pas en la lisant simplement telle qu’elle apparaît aujourd’hui, ni en cherchant un original hypothétique, mais en s’intéressant à son sens dans l’histoire, dès l’antiquité, est plus que jamais légitime. Le succès des Lectures de la Bible du ier au xve siècle, ouvrage collectif paru en 2017 sous la direction de Laurence Mellerin, le manifeste bien. Et cet ancrage dans l’histoire – sans parler des témoignages inestimables pour l’histoire du texte – n’est pas le seul intérêt des écrits patristiques et médiévaux pour la Bible. À mon avis, les traditions patristiques permettent aussi d’opérer un rééquilibrage et une réorientation : un rééquilibrage du côté du judaïsme et de l’Ancien Testament, qui par rapport à notre époque était beaucoup plus cité par les Pères que le Nouveau (encore aujourd’hui, si d’ambitieux projets visent à un recensement exhaustif des leçons patristiques du texte néotestamentaire, seule une poignée de courageux s’attelle à l’édition de la Septante), et une réorientation plus décomplexée vers un sens actualisé des Écritures, c’est-à-dire non plus seulement à partir d’un Urtext plus ou moins fantasmatique, mais parce que l’actualisation a toujours fait partie du texte lui-même.
Ce centenaire de l’École biblique n’est-il pas une occasion rêvée de rendre plus que jamais actuelle l’étude de la Bible qui est l’origine et la visée même de sa création ? Car je le dis aujourd’hui avec une immense reconnaissance : l’École biblique a contribué à me rendre la Bible actuelle, et même, en quelque sorte, sans fin.
Guillaume Bady
[1] Lettre 2, 8, trad. P. Maraval, SC 363, p. 115.
Le 9 mars, l’École biblique fermait ses portes au public et stoppait les cours jusqu’au 21, ceci afin d’éviter tout risque de contagion et de propagation du Covid-19. Quelques jours plus tôt, le 5 mars, le gouvernement israélien annonçait la fermeture de ses frontières aux ressortissants français puis, à partir du 18 mars, un confinement à l’échelle du pays. Le directeur et plusieurs professeurs se trouvaient dans l’impossibilité de rentrer en Israël.
Au cours de ces dernières semaines d’incertitude, l’École a du redéfinir son fonctionnement et, en particulier, son offre de formation. Le pilotage de l’Ecole se poursuite à distance, aidé par la nomination d’un vice-directeur ad interim qui est sur place. Le corps professoral, fidèlement appuyé par l’administration, a trouvé le moyen de poursuivre les cours en franchissant les murs… virtuels. En effet, depuis le 23 mars, les professeurs enseignent depuis deux semaines via la plateforme ZOOM.
Au-delà du simple maintien des cours, les séances de travail organisées sur ZOOM se révèlent être parfois des vecteurs d’échange et de soutien pour les étudiants et professeurs les plus isolés, notamment avec les externes qui ne sont pas sur le campus de l’École et certains auditeurs libres bloqués derrière les check-points.
« Le mercredi matin, j’allume ZOOM et vois ma tête sur mon écran. Je partage la vidéo, ce qui permet à tous ceux qui participent de me voir avec mes écouteurs et, en guise de décor, le mur blanc de ma chambre ou le rayonnage de livres qui se trouve derrière ma place à la bibliothèque. Depuis le 23 mars dernier, date à laquelle les cours et séminaires de l’EBAF devaient reprendre, nous avons fait connaissance avec ce logiciel, utilisé par plusieurs universités pour assurer la continuité pédagogique des enseignements. Le mode d’enseignement de l’EBAF s’y prête assez bien : les professeurs peuvent exposer en direct leurs présentations électroniques, enregistrer leurs cours, le petit nombre d’étudiants est propice aux interventions des uns et des autres et un système de conversation écrite permet d’intervenir dans le cours par écrit, ce qui remplace en partie le tableau noir. Les étudiants sont très heureux de voir comment les professeurs qui en avaient la possibilité se sont rapidement adaptés à ce nouveau système et de bénéficier ainsi, en ces temps incertains, d’une continuité dans les enseignements de l’EBAF. » — P. Philippe Cazala, délégué des étudiants.
Sœur Marie Reine Fournier
Paul Rodrigue
« Je suis né en 1996 à Paris, où j’ai passé mon baccalauréat. À dix-huit ans, attiré par l’apprentissage du latin et du grec, j’ai mis le cap sur l’Irlande. Après un bachelor à Trinity College Dublin, quatre années de formation aux arts de la traduction classique, j’ai poursuivi mes études par une maîtrise de philologie sémitique à l’Université de Cambridge, en Angleterre. À l’aide de mes rudiments d’hébreu biblique, que je consolidais, j’ai saisi cette occasion pour me plonger dans l’araméen impérial et pour écrire une dissertation sur la traduction du Livre des Proverbes dans la Septante.
Aujourd’hui, doctorant en philologie comparative à l’Université de Cambridge, je travaille en particulier sur les sources de Jérôme dans ses traductions des récits de cour royale: Daniel, Esther, Tobit et Judith. Cette recherche doctorale a été motivée, sinon par un caprice, du moins par la quête d’une jonction entre latin, grec, araméen et hébreu. »
Noémie Kirion
« Je suis élève à l’École Normale de Paris depuis trois ans, au département des sciences de l’antiquité. J’y étudie les lettres anciennes: latin, grec et hébreu. Intéressée principalement par le grec de la Septante, j’ai réalisé deux mémoires de linguistique sur le Siracide, avant de prendre un an de césure pour participer au projet de La Bible en ses Traditions. J’y contribue en relisant et en annotant la traduction française du Siracide et d’Habacuc, à partir de la Vulgate et ponctuellement de la Septante. »
Anne-Laure de Villeneuve
« En troisième année à l’E.N.S. de Paris, je viens de finir mon master d’Histoire Ancienne après avoir fait un prépa Lettres. J’ai travaillé sur des sujets de littérature et d’histoire romaine, comme la représentation de la jeunesse dans l’Énéide ou le renseignement géographique et militaire romain. Ayant par ailleurs étudié la langue latine pendant douze ans et l’enseignant au Centre Sèvres, je suis armée pour participer à la traduction de la Vulgate dans La Bible en ses Traditions, à l’Ecole française de Jérusalem : ce sont les livres des Maccabées que je relis en ce moment »
Voici une liste non exhaustive des chercheurs de la BEST autour du monde :
– Marie-Edith Garin (ICT, Bordeaux)
– Catherine Rémy (ICP)
– Jordi Cervera I Valls (Facultat de Teologia de Catalunya, Barcelona)
– Marc Girard (Canada)
– Diego Sanchez Alcolea et Sylvaine Lacout (Collège des Bernardins, Paris)
– Jean-Marie Auwers (Louvain)
– Jean-Jacques Lavoie (Université de Québec)
– Isaac Alderman, Erik Trinka, Jordan Schmidt et Eric Wagner (CUA)
– Martin Albl
– Mary Dominic Pitt (Nashville)
– Beate Kowalski (Dortmund)
– Étienne Méténier
– Jean-David Richaud
– Mathieu Beaud
– Christian Heck (Lille III)