Avec les Jeudis de l’Ébaf, Barthélémy Enfrein, nous a fait voyager au rythme d’une conversation en bord de mer avec Cyrille d’Alexandrie. Barthélémy est ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure (Paris) et agrégé de Lettres Classiques. Il prépare actuellement, au sein du Laboratoire d’Etudes sur les Monothéismes, une thèse en cotutelle sous la direction de Marie-Odile Boulnois (EPHE-PSL) et d’Emiliano Fiori (Università Ca’ Foscari, Venezia). Il est, cette année, boursier de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres à l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem. Son travail porte sur les Homélies sur Luc de Cyrille, évêque d’Alexandrie (412-444) dans leurs versions grecque et syriaque. Ses recherches s’intéressent à la patristique grecque, les chaînes exégétiques et les transferts culturels entre les mondes grec et syriaque.
Le genre homilétique, au sens étymologique du terme, est un dialogue, une conversation. Cette conférence a tenté de cerner les différentes instances avec lesquelles l’évêque d’Alexandrie discute lorsqu’il prononce les Homélies sur Luc dans les dernières années de son épiscopat.
Cyrille s’adresse tout d’abord au texte évangélique. Il y a donc un dialogue avec Dieu et celui-ci est d’autant plus fort que le docteur alexandrin considère les Évangiles comme les livres qui fournissent un accès plus direct à la parole divine car c’est le Fils lui-même qui y parle et non un homme inspiré par l’Esprit. Pour dialoguer avec l’Écriture, Cyrille crée un dialogue entre les différents livres de la Bible, en faisant dialoguer les versets bibliques entre eux, sans véritablement les commenter mais en les faisant entrer dans une forme de résonance. En outre, Cyrille converse avec les personnages des péricopes commentées, notamment les Juifs, afin de rendre plus vivante sa prédication. Son génie littéraire lui permet de doubler en quelque sorte le récit évangélique.
Ensuite, Cyrille dialogue avec les positions d’autres auteurs chrétiens. Il n’hésite pas à faire entendre la voix des partisans de Nestorius pour mieux réfuter leurs positions, mais aussi celles d’autres hérétiques comme Arius, dont le nom comme celui de Nestorius est explicitement cité, ou encore Novatien. Le docteur alexandrin discute également avec les exégètes qui l’ont précédé et il critique certaines propositions par exemple celles d’Origène qui sont combattues souvent, plus que celles de Théodore de Mopsueste.
Enfin, c’est avec son troupeau que Cyrille dialogue. Au dialogue vertical avec les instances divines, s’ajoute ce dialogue horizontal, charnel, du pasteur avec ses fidèles. Nous avons étudié comment Cyrille fait entendre la voix du peuple à travers les questions ou les objections qu’il rappelle. On voit que se tisse dans les homélies un véritable lien de confiance entre l’évêque et les croyants à travers l’existence d’un pacte homilétique et d’une attention de Cyrille aux réactions de l’assemblée. Nous avons finalement esquissé la physionomie de la foule qui se presse dans la Grande-église au bord de la mer, foule bigarrée, de prêtres, de riches et de pauvres.
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Articles de Barthélémy Enfrein sur ce sujet :
« With or without Candles? Manipulating Cyril of Alexandria’s Third Homily In Lucam: Three Versions for One Text », Journal of Early Christian Studies, 30.4, 2022, p. 533-553.
« Trois relectures syriaques de la première des Homélies sur Luc de Cyrille d’Alexandrie », Le Muséon, 137.2, 2024, p. 75-99.