Kevin Tréhuédic, ancien de l’École Biblique et Archéologique française, maître de conférence en histoire ancienne à l’université de Créteil, est un spécialiste du monde hellénistique. Il a fait l’honneur à l’École d’une visite au mois de septembre.
Déjà familier des pièces étudiées, dont le catalogage avait commencé avant les années troubles d’épidémie, Kevin est revenu quelques semaines à Jérusalem pour terminer ce travail et nourrir la rédaction d’un ouvrage à paraître en 2024 : Timbres amphoriques en Palestine I. Gaza (Anthédon / Blakhiyeh). Un volume II est envisagé à partir de la collection des Pères blancs de Sainte-Anne (500 timbres).
Le fonds étudié ne compte pas moins de 350 anses d’amphores datées de l’époque hellénistique, issues du site de Blakhiyeh, fouillé par l’EBAF sous la direction du frère Jean-Baptiste Humbert en collaboration avec les Palestiniens, ainsi que des archives de deux collectionneurs gazaouis. Les fragments présentent des estampilles, apposées très probablement pour des raisons fiscales sur les amphores.
Mais les informations ne sont pas aisées à déchiffrer. De même que les numéros inscrits sur les bouteilles de vin aujourd’hui, les timbres étaient souvent imprimés à la chaîne et n’étaient pas destinés à être lus. Kevin a ainsi travaillé à partir de prises de vue, ensuite agrandies sur écran, pour décrypter le nom du fabricant, ou encore un symbôle de la cité d’origine de l’amphore. Sur certaines anses, on peut lire le nom du prêtre du Soleil à Rhodes, qui change chaque année, pour connaître la date de fabrication. Sur d’autres anses, ce sont les insignes d’un dieu vénéré dans le lieu de provenance qui permettent de remonter le fil de l’origine géographique.
L’enquête peut aussi se corser à cause des homonymes. Face aux multiples « Pausanias » ou « Damokratès », il faut revenir à l’objet et l’examiner. La forme de l’anse permet alors de trancher : au IIIe siècle l’anse est plus arrondie, au Ier elle est plus angulaire.
En définitive, cet échantillon nous parle du commerce du vin en Palestine il y a plus de 2000 ans. Les trois quarts des fragments proviennent de Rhodes, une poignée vient d’autres cités grecques de l’actuelle Turquie ou bien de Chypre. Ces timbres sont les plus anciens de Palestine, ce qui montre que le port de Gaza était branché sur les échanges avec le monde égéen.
A l’époque byzantine, d’ailleurs, Gaza produit un vin renommé et l’exporte bien !