Yunus Demirci assure le cours de topographie pour cette année 2022-2023. Yunus, ou Jonas : faisons connaissance avec ce capucin, fils d’Orient qui assure depuis cette année le cours de topographie à l’École biblique. « Toujours souriant, très vif, des parcours découvertes plus que nourris » : les étudiants, manifestement, apprécient.
D’où lui vient cette énergie ? Né Turc à Iskenderun il y a 45 ans, il se découvre peu à peu Arménien. Sa mère qu’il croyait syriaque était, en réalité, beaucoup plus que cela. Des syriaques, il y en a dans la famille, des musulmans aussi, et des chrétiens, bien sûr. Ce destin, Yunus, ou Jonas, le découvre à Jérusalem où il est assigné en 2007. Ironie de l’histoire : il est Turc ? Parce que la France disposa de sa région natale en la cédant à la Turquie en 1939 pour prix de sa neutralité dans la guerre qui se profilait. Antioche et sa région tombent dans l’escarcelle d’Atatürk. Pour un peu la famille Demirci appartenait à l’empire français ! À quoi tiennent les destinées… Baptisé grec-orthodoxe, Yunus entre au petit séminaire capucin, à Mersin. Il sera religieux, catholique, de la famille de saint François. À Jérusalem, il décroche son doctorat en archéologie en 2019 avec une thèse sur « Les synagogues en Asie mineure dans l’antiquité tardive dans leurs contextes urbain et religieux ».
Comment devient-on archéologue ? Le chemin passe d’abord par les langues anciennes qui le mènent naturellement à la terre qui les a portées. « Avec l’archéologie, on plonge dans le concret, on travaille aussi avec ses mains ». Et quand on lui demande si les archéologues ne sont pas un peu des affabulateurs, il rétorque : « Oui, mais si on invente, il faut inventer bien !
La clarté doit habiter la description des sites. Alors, il existe des interprétations, elles peuvent différer. Et puis le temps qui passe, et l’étude, apportent leurs évolutions. Il faut que, ce qui reste hypothèse, soit fondé. La science ne progresse pas par ses résultats mais par ses questions ; et les discussions qui s’ensuivent créent une dynamique vertueuse ». Quand il évoque ses débuts à l’École, il paie tribut au frère Sigrist, naguère Directeur : « C’est lui qui m’a invité à enseigner ». Ce qu’il apprécie à l’École ? « La collaboration entre religieux d’une part, et d’autre part l’ambiance très belle avec les frères qui veulent bien m’accueillir et les étudiants, même si leurs questions me contredisent parfois. Mais c’est à la fois une question d’humilité et une stimulation. J’enseigne, mais j’apprends aussi beaucoup ». Belle réponse capucine.