“Cela fait exactement cent trente ans ce-jour-ci, jour de la fête d’Albert le Grand, que l’École biblique a ouvert ses portes pour la première fois.” annonçait, ce lundi 15 novembre, le fr. Anthony Giambrone, o.p. au début de son homélie. “Il y a cent trente ans, à quelques mètres d’ici, l’École biblique s’est ouverte, très humblement dans un ancien abattoir.”
Le choix d’Albert comme patron de l’École, non Saint Étienne, Saint Thomas, ou bien Saint Jérôme, mérite réflexion. En effet, il faut être bien conscient qu’en 1891 Albert n’est même pas encore canonisé. Dominicain, Albert le Grand est un philosophe, un théologien et un scientifique et devient l’un des professeurs de renom du XIIIe siècle. Néanmoins, sa réputation est suspecte : “on déformait souvent Albertus magnus en Albertus magus, Albert le magicien, figure comme Faust trop désireux de savoir tout. Au Moyen-Âge, plusieurs faux compromettants, comme le Semita recta, le « Chemin droit » un mode d’emploi best-seller alchimique, ont été attribués à Albert, cet amoureux d’astronomie. Au niveau populaire son image n’était pas forcement meilleure : un poème en dialecte racontait l’histoire du jeune Albert, employant ses arts magiques pour séduire une princesse.”. Le grand Albert était donc vu comme un savant dangereux par de nombreuses personnes.
“Voilà donc une perspective tout-à-fait intéressante pour nous. Si le choix d’Albert comme patron de l’École n’était pas une évidence, ce frère et maitre de Saint Thomas d’Aquin, chargé d’ouvrir un studium, une école dominicaine à Cologne, fournissait un modèle apte pour l’ouverture d’une École dominicaine des études bibliques pratiques ici à Jérusalem. Saint Albert pratiquait une science profane et païenne, science facilement confondue avec des études risquant d’abimer la sacra doctrina tout entière. Malgré ses intérêts universels et ses recherches larges, Albert n’a jamais perdu une concentration intensément théologique. Patron parfait, donc, pour une école vouée à une nouvelle science : l’histoire critique, qui effrayait comme Aristote à l’époque. Et également un bon patron, j’ajoute, pour un certain Albert Marie-Joseph Lagrange, qui quelques années après cette ouverture cérémonielle souffrirait lui aussi d’une réputation calomniée pour ses recherches.”