Ides de mars 2017 : les voilà fin prêts à partir. 15 frères, une sœur, étudiants, volontaires s’apprêtent à affronter les grandes solitudes du désert du Neguev à la découverte des Nabatéens, peuple de marchands du tournant de l’ère. On a troqué les vieux appareils photographiques au trépied de bois pour des appareils à haute définition et leurs longs objectifs, les chameaux et les ânes pour 4×4 et mini van et le guide bédouin pour le non moins expérimenté frère Dominique-Marie Cabaret en charge du cours de topo- graphie ! Le matériel se modernise mais l’enthousiasme reste égal à celui des frères pionniers !
Le périple nous mènera de forteresses romaines en églises byzantines, de la citadelle d’Avdat aux mines de cuivre de Timna ! Une première journée nous permet d’établir le contact avec ce peuple des Nabatéens qui pour beaucoup d’entre nous est certes synonyme de Pétra mais reste une entité mal définie. Nous abordons tout d’abord l’environnement inhospitalier que constitue le désert avec ses steppes, ses falaises et ses wadi. Puis c’est Mamshit qui s’offre à nous, ville étape sur la route de l’encens et des épices, entre l’Arabie et Gaza, port majeur dans le commerce méditerranéen. Deux églises dotées de superbes mosaïques, la demeure du gouverneur et le marché nous font comprendre le processus de sédentarisation, le passage à la romanité et à l’ère byzantine avant de voir cette cité s’éteindre à l’époque arabe. On soulève les problématiques archéologiques actuelles : l’utilisation des bâtiments, la récupération et la répartition de l’eau en zone désertique. Toutes les cités que nous serons amenés à découvrir offrent des similitudes dans le bâti qui nous permettent de saisir les modes de vie des habitants tout en conservant des spécificités dans l’architecture et l’organisation spatiale.
A la nuit tombée nous voilà au coin du barbecue près de notre tente de bédouin ! Père Patrick et frère Joseph sont les cuistots de la troupe. Après un dîner animé la soirée se prolonge tard dans la nuit au coin du feu, ponctuée de chants béninois, mauriciens, français et de morceaux d’opéra interprétés par nos deux chanteurs lyriques : Père Patrick et Claire.
Jeudi 16 mars : direction le parc animalier du Neguev connu pour ses caracals, félins aux oreilles acérées. Niché dans la vallée de l’Arava au creux des majestueuses montagnes jordaniennes et israéliennes le site offre un condensé de vie sauvage. Pour bien connaitre la vie dans le désert, la découverte de la faune et la flore est un passage obligatoire ! Oryx, addax, ânes de somalie, autruches défilent sous nos yeux ébahis ! Seul le caracal reste introuvable … ce qui l’élève au rang de mythe ! La seconde étape de la jour-née nous mène au parc de Timna, réputé pour ses mines de cuivre et ses gravures rupestres, déjà exploitées sous le pharaon Ramsès III (XIIe siècle) dont le profil se dessine sur la roche rose au-dessus du temple d’Hathor (XIVe siècle).
Au XIIe siècle, les Madianites qui plus tard accueillirent Moïse modifièrent le temple. Les fouilles ont permis de mettre au jour une statuette en forme de serpent qui n’est pas sans rappeler le serpent d’airain. Une habile reconstitution des mines de cuivre, visibles et reconnaissables à leur couleur verte montre bien l’étroitesse des conduits et les conditions des esclaves envoyés là afin d’extraire le métal. Cette journée de désert s’achève dans le non moins impressionnant Makhtesh Ramon, formation géologique naturelle semblable à un immense cratère de 40km de long.
Le dernier jour nous réserve des découvertes encore plus impressionnantes : les cités nabatéennes d’Avdat, Nissana et Shivta. Mathilde, doctorante en histoire et arabisante nous fait revivre, à Nissana, la découverte d’une collection de papyri dans une des églises de la cité tout en nous expliquant la particularité de certains : le bilinguisme arabe-grec. La cité en elle-même a été lourdement endommagée en raison du réemploi d’une grande partie du matériau pour la construction d’un fort turc à l’ère ottomane. Le plan des trois églises reste cependant bien visible.
Mais il n’est pas temps de méditer sur les ruines car un dernier site nous attend. Nous voilà à la dernière étape de notre virée. Trois églises byzantines se dressent au milieu du désert, triabsidales au cœur d’un enchevêtrement de rues, de citernes et de piscines. Shivta offre à nous seuls ses linteaux ouvragés, ses pressoirs à vin et son étrange baptistère. Des restes de peintures, l’emplacement des plaques de marbre qui ornaient toute l’église du Nord prouvent, par l’absence, la richesse et la beauté antique du lieu. Cependant la destruction de l’édifice laisse la lumière déclinante du jour entrer jusqu’au chœur et donner une teinte plus ocre aux murs, teinte que les byzantins eux-mêmes ne purent admirer.
Ainsi s’achève notre traversée du Neguev. Passant des frontières de Jordanie aux limites égyptiennes, notre connaissance archéologique s’affine et nos aptitudes à déceler avec habileté appareil nabatéen, byzantin ou arabe se perfectionne, dans l’attente de découvrir Pétra en mai !