QUMRÂN: L’UNION DU DOCUMENT ET DU MONUMENT

Fidèle à sa vocation d’étudier la Bible dans le contexte physique et culturel où elle a été écrite, l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem, a joué un rôle de premier plan dans la découverte et dans les campagnes de fouilles menées à Qumrân. Bref retour sur les recherches qui ont permis de renouveler nos connaissances sur les Esséniens, l’histoire de la région, les prémices du christianisme…

Constitué d’une suite de terrasses au pied des falaises qui surplombent la mer Morte, Qumrân marque l’entrée orientale du désert de Judée. De nombreuses grottes naturelles en bordent les versants, alternant avec celles creusées de main d’hommes. Les fouilles de Qumrân associent deux types de trouvailles : les manuscrits, découverts dans les grottes et les vestiges d’un habitat : la Khirbet Qumrân. Les uns parlent des croyances de populations juives dans l’Antiquité quand les autres témoignent du mode de vie de ces communautés.

En 1947, des Bédouins découvrent huit jarres en bon état et des débris ainsi que sept rouleaux de cuir recouverts de signes étranges. Les rouleaux passent des mains d’un cordonnier à celles d’antiquaires pour devenir finalement la propriété de l’université Hébraïque de Jérusalem pour trois d’entre eux et celle de Monseigneur Samuel, archevêque syrien orthodoxe de Jérusalem pour les quatre autres.

Le frère Roland de Vaux à Qumrân

Jusqu’en 1956, ce phénomène se répète, les Bédouins découvrant de nouvelles grottes et vendant les manuscrits aux antiquaires. Ainsi furent mises au jour à Qumrân onze grottes contenant quelques 981 manuscrits anciens. Le mérite du rachat et de la sauvegarde de la grande majorité de ces pièces revient à Gérald Lankester Harding, directeur du département des antiquités de Jordanie, et au P. Roland de Vaux, directeur de l’École biblique et archéologique française et administrateur du Musée archéologique de Palestine. Avec les archéologues de l’EBAF, ce dernier conduisit les fouilles successives du site de 1949 à 1956. Il fut le premier éditeur de la publication officielle des manuscrits.

C’est au dominicain D. Barthélémy et à l’abbé J.T Milik qu’échut l’analyse des premiers fragments, sous la direction de Roland de Vaux qui constitua une équipe internationale et interconfessionnelle de rechercher et d’étude. Plus ancien centre de recherche de Terre sainte et seule institution alors capable de mener à bien ce chantier titanesque, l’École fut à la hauteur de la confiance placée en elles par les autorités jordaniennes.

Le père Émile Puech, Directeur de Recherche émérite au CNRS, Professeur émérite de l’ÉBAF, et spécialiste mondialement reconnu des manuscrits de la mer Morte ainsi que de l’histoire de Qumrân partage encore aujourd’hui l’histoire de ce site qui fascine. Il contextualise : “Ces textes constituent une documentation inestimable sur la Bible hébraïque, le judaïsme ancien dans sa diversité, les courants de pensée à l’époque effervescente où le christianisme s’enracine. Ces textes furent mis au jour dans une Palestine incertaine et bouillonnante, alors que le mandat britannique sur le territoire touchait à sa fin et que l’assemblée générale des Nations-Unies envisageait une partition du pays en deux États, arabe et juif.”

Tous les éléments étaient réunis pour faire de Qumrân un site archéologique d’exception qui passionne encore aujourd’hui exégètes, archéologues et historiens. Cette année encore, malgré les aléas de la guerre, les étudiants de l’EBAF ont pu en goûter les mystères.

“Ceux qui, si souvent, ont planté leur tente au pied de la falaise ou sur le plateau de Qumrân, garderont la nostalgie de ce paysage étonnant de grandeur austère, dans lequel le passé s’est recomposé pièce à pièce sous leurs mains.” Roland de Vaux

Le père Emile Puech avec des étudiants sur le site de Qumrân

 

Propos recueillis par Emeline d’Hautefeuille, auprès d’Émile Puech
Photos : Ébaf, Ordo Praedicatorum, Photothèque Ébaf