Le Frère Giambrone, directeur par interim du 2 octobre au 3 novembre, a piloté une rentrée 2023 au déroulement assuré en dépit de circonstances éprouvantes.
Sphinx hiératique ou aigle majestueux ? Il y a du mystère dans cette figure que beaucoup admirent. L’éclat d’un regard sombre, un chef noir de geai, un profil sigillaire : chez cet homme-là, il y a du Carlo Maria Giulini – le maestro italien. Les Giambrone ne sont-ils pas italo-américains ? Le grand-père débarqua en Normandie. Avec une mère montréalaise, frère Anthony est un Américain de l’Est très international et parfait polyglotte. Pourtant, il le reconnait, il vécut une double expatriation. En effet, « l’École biblique est un ilot français dans un pays compliqué » …
Malgré un naturel discret et confiant, il témoigne franchement : « Si j’avais un conseil à donner ? Ne jamais accepter d’être directeur par intérim pendant une guerre ! ». Sa responsabilité fut d’assurer la vie académique de l’école, en libérant chacun des considérations sécuritaires pour permettre le travail de tous. Mission accomplie pour un jeune directeur doté d’une impavide force tranquille.
Ce fils de l’Ohio évoque encore avec émotion son arrivée des États-Unis en février 2016. Depuis, il nourrit ses innombrables travaux en exégèse biblique du genius loci de la Terre sainte. Très vite, après sa soutenance de thèse, son provincial l’appelle et lui apprend son assignation à Jérusalem par le Maître de l’Ordre. « Surprise quasi totale, confie-t-il, mais, pour un bibliste, c’est un honneur, un privilège. En outre, j’ai une dévotion profonde pour le Père Lagrange alors je suis extrêmement reconnaissant envers Dieu. »
Sa vocation de chercheur, « vocation dans la vocation », insiste-il, se dessine alors qu’il rejoint les dominicains en 2003, après avoir étudié comme séminariste pour le diocèse de Cincinnati. D’un air espiègle, il explique son chemin jusqu’à la théologie biblique grâce à une « histoire drôle ». Pendant son studium dominicain, le premier cours est donné par un « dominicain robuste, juif russe converti, vétéran du Vietnam, un monstre intellectuel de Harvard ». À la lecture de son premier travail, ce dernier veut le voir. Frère Anthony se souvient : « J’étais terrifié ». Verdict ? Il choisira Anthony pour successeur et l’enverra faire des études bibliques. « La seule chose que je devais faire : ne pas dire non. Ce n’était pas mon choix, mais je l’ai embrassé. »
La suite de l’histoire est ponctuée par une licence canonique de théologie en langues sémitiques, puis en science biblique, un doctorat, « Christianity and judaism in antiquity ». Couronné du prix Alexander von Humboldt Fellow de la Ludwig-Maximilians-Universität de Munich, il est l’auteur et de nombreuses publications, dont la dernière : The Bible and the Priesthood: Priestly Participation in the One Sacrifice for Sins, Grand Rapids, MI, Baker Academic (2022).
Dans une autre vie, il aurait sans doute été franciscain du Bronx, ou se serait passionné pour Dante, l’italien et la littérature. Aujourd’hui il confie qu’il rêve d’une vie en trois actes : académique à l’École biblique, missionnaire demain, et chapelain de moniales un jour…