Carthage est intimement liée à la Méditerranée orientale. En effet, sa fondatrice, Elissa, proviendrait de Tyr. De plus, des liens étroits et privilégiés ont été maintenus avec l’Orient durant toute l’histoire de la cité. Ils se retrouvent dans plusieurs de ses traits culturels comme la religion, la langue, etc. Le renom de Carthage se fonde sur des événements historiques importants comme les guerres puniques qui l’opposent à Rome mais également sur des œuvres d’auteurs classiques ou plus récents comme Flaubert. Ces derniers insistent très souvent sur un aspect religieux particulier à propos de Carthage : le sacrifice des enfants. Ce rite a été associé à un espace découvert à Carthage en 1921 qui a été nommé « tophet » en référence à une mention dans l’Ancien Testament. Ce site nous a livré un important matériel archéologique, notamment un ensemble de plusieurs milliers de monuments qui marquaient la présence d’urnes cinéraires. Parmi ces monuments, plusieurs milliers de stèles inscrites ont été mises au jour dans la strate la plus récente datée d’une période allant du IVe au IIe siècles avant J.-C. et dans différents endroits de la cité.
Ces stèles ne sont donc que la poursuite d’une pratique très ancienne datée d’une période proche de la fondation de la cité : marquer l’emplacement d’une ou de plusieurs urnes cinéraires. Entre la première et la dernière phase du tophet, il est possible de retracer l’évolution (schématique) de ce type de monuments : galets, pierres taillées puis des cippes-trônes, cippes-chapelles, stèles non inscrites et enfin une quasi-généralisation des stèles inscrites. Sous ces monuments, des urnes cinéraires contenaient des restes d’enfants très jeunes (dont certains nés prématurés). Plusieurs hypothèses ont pu voir le jour pour expliquer cette situation. En se fondant sur la littérature classique, le texte biblique, des inscriptions sémitiques et sur les vestiges archéologiques, certains y ont vu un cimetière pour enfants et d’autres le lieu du sacrifice des enfants. A cela s’ajoute la question du terme « molk » ou « moloch » qui a fait également l’objet de nombreux débats. Au-delà de cette polémique, ces stèles nous fournissent le plus grand corpus d’inscriptions puniques. Ces dernières mentionnent généralement deux dieux étant destinataires de la dédicace, Tanit et Baʿal Ḥammon. Toutefois, les renseignements fournis dans ce corpus d’inscriptions ne sont pas seulement d’ordre religieux. En effet, il est possible d’étudier le nom des individus mentionnés ou encore leurs fonctions et leurs métiers.
Ces stèles, leurs décors et leurs inscriptions nous fournissent une fenêtre importante sur différents aspects de la civilisation carthaginoise. Malgré cela, le rite et les croyances carthaginoises restent encore en partie inconnus.