Le 8 décembre dernier 19 martyrs de l’Église d’Algérie ont été béatifiés au sanctuaire Notre-Dame de Santa Cruz, à Oran. Le Frère Jean Jacques Pérennès o.p., directeur de l’École biblique et proche de Monseigneur Claverie, l’un des martyrs, était présent, et nous a témoigné ce qu’il avait vu lors d’une conférence donnée à l’École biblique le 13 décembre.
Pour bien comprendre l’enjeu de la présence de l’Église en Algérie, nous avons d’abord en un petit rappel historique : La colonisation de l’Algérie par la France, qui débute en 1830, durera jusqu’en 1962, soit 130 ans, pendant lesquels 1 million de Français d’Algérie cohabiteront tant bien que mal avec les 9 millions d’Algériens musulmans, mais sans jamais réussir à s’intégrer réellement. Cependant, l’Église s’établit en Algérie jusqu’à la guerre d’indépendance, entre 1954 et 1962. Cette période troublée, à la fois pour les Français et les Algériens, marque un tournant dans l’histoire de l’Eglise d’Algérie, qui choisit, avec l’approbation de Rome, de rester sur place.
À l’indépendance, l’Église prend part au développement du pays, mais la montée du nationalisme ne la rendra que tolérée, puis elle sera menacée lors de l’émergence des partis islamistes. Cette montée de pression aboutira, dans les années 90, à la mort de 150 000 personnes, dont 19 religieux et religieuses.
Ces 19 martyrs, très différents les uns des autres, avaient tous en commun l’amour du Christ, de l’Algérie et de ses habitants, la volonté de les servir et de s’intégrer auprès des musulmans, dans un rapport d’amitié et non de prosélytisme.
Parmi eux, on trouve sept trappistes, quatre pères blancs et un évêque dominicain.
La célébration a été à l’image de nos martyrs. Elle s’est déroulée à la basilique de Santa Cruz, importante pour les Oranais. L’accent était mis sur l’amitié entre l’Église d’Algérie et ses martyrs, et les musulmans. Les autorités algériennes se sont beaucoup engagées pour cet événement, et la présence musulmane a été assurée par une chorale soufie lors de la veillée de prière et la présence pendant la messe des autorités algériennes et d’une délégation d’imams.
La famille de Mohamed Bouchikhi, jeune musulman et ami de Mgr Pierre Claverie, l’un des martyrs, qui a choisi de mourir avec lui, par amitié, était également présente.
Après un émouvant dernier passage à Tibhirine, avec Fr. Jean-Pierre, l’un des survivants, il a fallu rentrer. Mais ce retour s’est fait plein de joie « je suis monté avec des martyrs, je suis descendu avec des bienheureux ! » conclut Fr. Jean Jacques. Ce fut aussi le sentiment des familles des victimes qui avaient fait le déplacement à Oran.