Mon nom est Cody Feikles, étudiant de 24 ans, je travaille sur une maîtrise en études théologiques à l’École de Théologie et Ministère du Collège de Boston (Massachusetts – USA). Au début de ma première année d’études, notre cohorte étudiante fut informée de l’opportunité d’étudier à l’étranger pendant 3 semaines, en été 2018. Il s’agissait d’une collaboration entre l’École de Théologie et Ministère du Collège de Boston, l’Université de Boston, l’École grecque orthodoxe de théologie de la Sainte-Croix et l’École biblique et archéologique française de Jérusalem. C’était donc l’occasion de suivre un cours sur les Écritures à l’École biblique, en étudiant et explorant la vie du Christ racontée dans les Évangiles et annoncée dans les prophéties messianiques de l’Ancien Testament, avec la chance de participer à des excursions sur le terrain en Terre Sainte, avec pour instructeurs le fr. Eugen Pentiuc, le fr. Oliver-Thomas Venard, o.p. et le fr. Lukasz Popko, o.p.
Je me suis rappelé que pendant mes études de premier cycle, lors d’un cours de christologie, mon professeur nous avait montré toute une série de photos de son voyage en Terre Sainte. Je me souviens qu’il avait insisté à plusieurs reprises sur le fait que si l’un d’entre nous avait l’occasion de s’y rendre, il le fallait. La terre de la Bible est connue sous le nom de “Cinquième Évangile” comme le dit saint Jérôme : “Cinq évangiles racontent la vie de Jésus. Quatre que vous trouverez dans les livres et celui que vous trouverez dans le pays qu’ils appellent Saint. Lisez le cinquième évangile et le monde des quatre s’ouvrira à vous.” J’ai donc postulé avec enthousiasme pour ce voyage et, finalement, j’ai eu la chance d’être accepté. C’est vraiment un voyage exceptionnel. Nous sommes un “groupe pilote” c’est-à-dire que nous sommes les premiers à avoir cette chance parmi nos camarades de Boston.
Personnellement, je voulais venir pour plusieurs raisons. Ma première année d’études supérieures avait ressemblé à des montagnes russes – beaucoup de hauts, de bas, de rebondissements et de tournants dans ma vie personnelle et professionnelle – . Devant affronter ce que j’étais, ma foi a grandi par des temps plus longs et fréquents en solitude et prière avec Notre-Seigneur. Ma vision du monde s’est également développée et élargie – je suis devenu plus au fait des nouvelles mondiales, du droit, de la politique et des questions de justice. Ainsi, je savais que c’était le bon moment pour visiter la Terre Sainte, la terre des Israélites de l’Ancien Testament et de Jésus de Nazareth, la terre continuellement travaillée de luttes politiques, divisions et tensions, la terre qui signifie tant pour tant de gens différents. Je savais que ma relation avec le Seigneur, le monde, les Écritures et moi-même grandissait et mûrissait suffisamment pour apprécier une expérience comme celle-ci, dans l’espoir que, peut-être, le Seigneur me parlerait différemment. Je demandais au Seigneur dans ma prière d’ouvrir mes yeux comme Il l’a fait avec l’aveugle-né (Jean 9), de me donner l’eau vivifiante comme Il l’a fait avec la Samaritaine (Jean 4), de me parler dans ma quête du bonheur comme il l’a fait le jeune homme riche (Matthieu 19), et de me permettre de me reposer avec Lui, croissant dans la foi, l’espoir et l’amour, comme l’a fait le disciple bien-aimé sur le sein de Jésus, et comme les apôtres à qui Jésus lava les pieds (Jean 13).
Jusqu’à présent, je peux dire que mon expérience a été exceptionnelle. L’École est une institution incroyable. La recherche biblique et l’archéologie qui en résultent est remarquable. C’est une bénédiction d’accéder à sa bibliothèque et à toutes ces ressources nouvelles, sans parler de la sagesse des pères dominicains, des chercheurs et étudiants. Le cours est divisé en deux parties principales : les conférences en classe et les excursions sur le terrain. Les conférences et les cours, donnés jusqu’ici par le père Eugen ont porté sur le caractère cosmique et anthropique de l’Ancient Testament au prisme de l’existentiel humain, de la grâce, de la loi, sur l’ “Anthropos”, la naissance et la mère du Messie, sur la création comme Temple de Dieu. S’est ajoutée le cours vivifiant, original et sans équivalent du frère Oliver-Thomas sur Jean-Baptiste et le Messie. Les connaissances du frère Lukasz sur la Terre Sainte et son histoire, sa théologie et sa politique, sont un apport phénoménal. Nous avons visité beaucoup d’endroits jusqu’ici, notamment les lieux saints de Jérusalem, beaucoup d’églises et monastères, ainsi que Bethléem, l’Hérodion, le monastère de Mar Saba, la Samarie, Naplouse et le mont Garizim, etc. À chaque endroit, le fr. Lukasz nous entraînait précautionneusement et profondément dans l’histoire de chaque lieu, la rendant vivante et mettant en lumière une théologie formidable à mesure qu’il délivrait ses cours d’archéologie.
Notre première semaine fut promenades, apprentissage, soleil, discussions, réflexions et repos. À ces aspects éducatifs, s’ajoutent les relations que j’ai pu nouer avec chaque membre de notre groupe, ainsi qu’avec le personnel et les professeurs de l’École. Je reprends lentement des phrases en français et en arabe et rencontre de nouvelles cultures. J’ai beaucoup été choqué de la tension présente sur cette terre, comme la fracture sociale rigide entre hommes et femmes à Jérusalem, les plaques d’immatriculation distinctes, la réalité de l’État israélien et des Palestiniens, les vives tensions interconfessionnelles qui se sentent par des pratiques différentes en un même moment – par exemple, l’appel musulman à la prière pendant l’adoration eucharistique dans la basilique catholique de l’Agonie – , le choc entre les graffitis modernes et l’antiquité de l’architecture sacrée. Et puis également la difficulté à trouver sa place : se sentir touriste et étranger, mais relié d’une manière mystique et sacrée à cette terre en vertu de mon baptême. Comme le sentiment d’être un extraterrestre à la maison.
En résumé, mon expérience personnelle est marquée par un immense sentiment de gratitude. Je suis béni d’avoir pu venir ici et d’apprendre de ces excellents enseignants. Mon expérience m’a offert de nombreuses occasions de prier, réfléchir, penser, dialoguer, questionner et lutter contre la réalité, m’a révélé beaucoup de tensions, mais je considère que c’est une bonne chose. Ce qui marque l’histoire de cette terre et celle de notre foi catholique, c’est une histoire de tension. Comme le fr. Eugen nous l’a fait remarquer, l’homme est placé entre Dieu et Dieu, et n’a pas vraiment de foyer, pris entre ciel et terre, entre l’anxiété et la paix, le “déjà mais pas encore”. C’est la tension existentielle, géographique, politique et pécheresse qui caractérise et marque le peuple juif et chrétien à travers le temps. Existentiellement, nous pourrions même dire qu’il y a là quelque chose de divin. Certes, il n’y a rien de divin dans le péché, la corruption et l’injustice, mais reconnaître notre peuple comme historiquement et existentiellement en tension dit quelque chose. Cela me rappelle que le but n’est pas de surmonter ces tensions, mais plutôt, comme le dirait Paul Tillich, d’apprendre à avoir “le courage d’être” malgré tout pour vivre libres et ouverts à Dieu. Reconnaître ses tensions pour être plus humain, plus chrétien. Il est irréaliste de penser que l’on peut vivre parfaitement. La nature dévoile une humanité brute et réelle, souvent désordonnée, impatiente, fatiguée. Par exemple, en regardant le rocher de l’agonie de Jésus, je me rappelle que ce qui m’a le plus marqué était ma fatigue, mes coups de soleil, l’agressivité des touristes partout. Alors, honnête avec moi-même, j’ai compris les disciples endormis (Peter, James, John) lorsqu’ils étaient dans le jardin (Marc 14, Matthieu 26, Luc 22), la nuit, après une longue journée de marche, fatigués par le temps, le climat et l’exercice. Notre travail est de simplement nous présenter devant le Seigneur, faisant de notre mieux pour rester éveillé avec lui, priant sans cesse afin de nous rapprocher de Celui qui s’approchera de nous (1 Thessaloniciens 5, Jacques 4).
J’attends avec impatience mes deux prochaines semaines ici à l’École. J’ai l’impression d’être là depuis longtemps tant nous avons exploré, appris, tant nous avons déjà de souvenirs. Je recommande fortement à chacun de répondre à un tel appel s’il se présente à lui. L’École fait un travail excellent, elle a beaucoup à offrir aux étudiants et aux fidèles de l’Évangile, de l’Église et de l’histoire biblique et sémitique ancienne.