Le père Miroslaw Wróbel est un ancien étudiant de l’École biblique, aujourd’hui directeur de l’Institut biblique de Lublin, en Pologne. De passage au Couvent ce mois-ci, il nous explique le contenu de son dernier livre : une traduction polonaise de l’Exode en araméen et des premières exégèses de l’Histoire.
De 1998 à 2003, M. Wróbel était doctorant à l’École biblique de Jérusalem, l’un des tout premiers Polonais à y mettre les pieds, sous la tutelle du fr. Boismard op, puis du fr. Luc Devillers op. Depuis, ce prêtre diocésain polonais enseigne la littérature péri-testamentaire à l’Université Catholique Jean-Paul II de Lublin : les écrits rabbiniques, qumrâniens et les Targoumin (Neofiti 1, Pseudo-Jonathan et Onkelos).
Miroslaw Wróbel a justement fait du Targoum Neofiti 1 son dernier objet d’étude en s’initiant à la traduction de la bible araméenne, avec ses notes critiques et commentaires rédigés directement en polonais. Le projet, lancé en 2014, regroupe plusieurs universités de Pologne et des chercheurs juifs. « L’idée est de présenter les différents Targoumin, celui de la Torah, celui de Targum Neofiti 1, le Targum Pseudo-Jonathan et le Targoum Onkelos, à la fois dans le texte araméen et dans une version traduite et plus commentée polonaise » » raconte le père Wróbel dans un français teinté d’un bel accent slave. En 2014, il a achevé l’écriture du premier volume, une traduction de la Genèse, et en 2017, celle de son deuxième, une traduction de l’Exode. Pour rappel, le Targoum Neofiti 1 contient les cinq livres du Pentateuque (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome), et les Targoumin Pseudo-Jonathan et Onkelos en comptent également cinq chacun. Les cinq livres du Targum Neofiti 1 sont datés du Ier siècle, ils sont donc les plus anciens commentaires connus de l’Ancien testament !
L’histoire des Targoumim
« De retour de Babylone, les juifs parlaient araméen entre eux, explique le prof. Wróbel. L’hébreu n’était que la langue liturgique, la langue des textes, et peu de personnes le parlaient. Un metarguman (1) traduisait donc la bible en araméen pour le peuple, pour que chacun puisse comprendre les textes saints ». Pendant longtemps ces textes anciens ont été perdus dans les collections du Vatican. De 1504 à 1949, mal répertoriés, ils avaient été oubliés, jusqu’à ce que deux prêtres espagnols, Jose Maria Millas Vallicrosa et Alejandro Díez Macho, découvrent que ce qu’on pensait n’être que le Targum Onkelos contenait en réalité tout le Targum Neofiti 1. Ils ne furent publiés qu’en 1968.
La langue de ce Targoum, de l’araméen proche de certains dialectes de Galilée du Ier siècle, passionne les épigraphistes chrétiens : il s’agit en effet de sources écrites très proches de la langue du Christ. La communauté juive s’est également fascinée pour ces textes « très précieux », si bien que l’introduction du premier volume de Miroslaw Wróbel fut rédigée par un des grands rabbins de Pologne, heureux de voir ces textes directement traduits dans la langue de son pays.
Une avancée dans le dialogue interreligieux
Le Prof. Wróbel se réjouit de suivre, grâce à ce projet, la dynamique de Nostra Ætate sur le dialogue interreligieux. « Nous vivons une vraie coopération judeo-chrétienne ! Certains chercheurs juifs vont travailler sur le Targoum Onkelos et la présentation de mes livres s’est faite dans une des plus importantes Yeshivot de Lublin » se félicite t-il.
« Ensemble, nous cherchons à comprendre les additions araméennes par rapport au texte hébreu d’origine, ça ne touche pas seulement les biblistes mais aussi certains sociologues, des historiens, des linguistes ! C’est très vaste ! Ce travail avait déjà été fait dans d’autres langues, anglais, français et espagnol, mais jamais de façon si précise, et sans présenter les deux versions en parallèle dans un livre » ajoute Miroslaw Wróbel. « Il reste cependant aux chercheurs polonais un travail considérable puisque tout l’Ancien testament, excepté Daniel, Ezra et Néhémie, est à traduire ».
La reconnaissance du travail accompli est déjà au rendez-vous puisque le père Miroslaw a reçu le prix Phoenix pour son premier ouvrage sur la Genèse, récompense nationale de littérature scientifique de Pologne, et le prix de la ville de Lublin pour son ouvrage sur l’Exode. Fierté de Jérusalem : les deux livres ont été dédiés à des grands noms de l’École : le premier à Émile Puech et le second aux frères Boismard et Devillers !