Vendredi 6 mars dernier, l’École biblique était à l’honneur à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres : le colloque « Le goût de l’Orient » rassemblait des membres des deux institutions à l’Institut de France pour célébrer le centenaire de la reconnaissance de l’EBAF comme École archéologique française. Parmi les orientalistes précédents, six anciens boursiers de l’AIBL venus témoigner de leur(s) année(s) académique(s) passées à l’EBAF.
Retrouvez dans ce premier article le discours de Claire Balandier, archéologue, maître de conférences en histoire ancienne du monde grec à l’Université d’Avignon, archéologue, membre de l’UMR 8210 AnHiMA (Anthropologie et histoire des mondes antiques), directrice de la Mission archéologique française à Paphos (Chypre) et Guillaume Bady, patrologue, chargé de recherche au CNRS, membre de l’UMR 5189 HiSoMA (Histoire et Sources des Mondes Antiques), directeur de l’Institut des Sources Chrétiennes.
Discours de Mme Claire Balandier
Monsieur le Secrétaire Perpétuel, Monsieur le Président, Monsieur le Directeur, chers collègues, chers amis,
c’est un véritable honneur pour moi de représenter l’ensemble des boursiers de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres à l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem dans le domaine de l’archéologie.
Si la majorité des boursiers sont venus à Jérusalem pour réaliser leur thèse de doctorat, j’étais déjà docteur quand j’ai eu le privilège d’être choisie par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres pour venir effectuer une recherche post doctorale à l’EBAF en 2002/2003. J’avais déjà eu un avant- goût de l’Orient à Chypre où j’étais assistante de fouilles depuis 1990 sur le chantier de l’École Française d’Athènes sur l’enceinte de la cité-royaume d’Amathonte et où j’avais réalisé ma thèse sur les fortifications et la défense des territoires de l’île de l’époque archaïque aux invasions arabes (VIIIe siècle av. J.-C.-VIIe siècle de n. è.). Dans le prolongement de cette recherche, il était logique de s’intéresser alors au Levant voisin, la Syrie-Palestine d’Hérodote, Transeuphratène des Perses achéménides et Syrie-Phénicie des Ptolémées.
Lorsque je suis arrivée à Jérusalem en octobre 2002, je me souviens encore de la lumière, des sons et des parfums qui m’ont enivrée au premier matin lorsque j’ai passé le portail de l’École pour me rendre porte de Damas, découvrir la vieille ville de Jérusalem. L’impression qui m’a saisie fut indescriptible: bien que j’ai vécu plus de deux ans dans la vieille ville de Nicosie, qui m’avait habituée aux cris et à l’agitation d’un marché oriental, aux appels à la prière des muezzins avec lesquels rivalisaient les cloches des églises de toutes obédiences, aux graffiti politiques sur les murs anciens que dissimulaient jasmins et bougainvillées, au passage de soldats en armes et de groupes de touristes peu concernés par le fait de traverser une ville coupée en deux… tout, à Jérusalem, était plus accentué… et il en était de même pour les émotions ressenties, que ce soit l’enthousiasme dans la découverte de lieux mythiques et historiques comme le découragement moral face aux difficultés quotidiennes que subissaient chaque jour les Palestiniens du quartier et le personnel de l’École, bloqués aux “check-points” (il n’y avait pas encore de mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie): en effet, très vite, la réalité a pris le dessus sur l’émerveillement; nous étions en pleine deuxième Intifada, la tension était palpable. En dehors de la possibilité de soutenir les “femmes en noir”, et aussi quelques hommes, laïcs et religieux de toutes religions, qui manifestaient chaque vendredi midi, place de France, leur désir de paix et leur opposition à la colonisation et à l’occupation des Territoires palestiniens, le sentiment pénible d’impuissance, le risque potentiel d’attentats et l’impossibilité de circuler librement nous a contraints à demeurer plus que nous ne l’aurions souhaité entre les murs, sécurisants, de l’EBAF. Egoïstement, il faut reconnaître qu’il y avait pire comme lieu de confinement et que cela fut loin d’être désagréable…
Comme tous les boursiers, j’ai ainsi suivi une série d’enseignements, tous plus passionnants les uns que les autres. Arrivée avec une formation d’historienne et d’archéologue, j’ai été particulièrement sensible à l’enseignement pluridisciplinaire, inestimable, dispensé à l’EBAF par des enseignants-chercheurs dominicains biblistes, historiens, philologues, archéologues, qui m’ont permis d’affiner la méthode historique que j’avais apprise à l’Université, grâce aux cours d’exégèse biblique de Francolino Gonçalvès sur les livres des Rois ou à ceux d’Étienne Nodet sur les livres des Maccabées, aux cours de rhétorique de Paolo Garuti, mais aussi à m’initier à l’assyriologie grâce à Marcel Sigrist, aux études qumraniques d’Emile Puech, à l’arabe littéraire enseigné par Krzysztof Modras, etc…. Surtout cette étude des textes, qui aurait pu être effectuée n’importe où, prenait une autre dimension en étant complétée par une étude des sources archéologiques, sur le matériel même issu des fouilles conduites par l’École ou dans les musées de Jérusalem au Musée de la Palestine (Rockfeller) ou au Musée d’Israël, enfin par l’approche topographique des lieux historiques. Je garde ainsi un souvenir exceptionnel des cours de topographie urbaine de Jerry Murphy O’Connor dans la vieille ville de Jérusalem et de ceux de Jean-Baptiste Humbert et des discussions passionnantes conduites au “Musée”, le bâtiment, qui, au fond du jardin de l’École, lui sert de laboratoire de recherches. La plupart des boursiers en archéologie ont eu la chance de participer aux recherches archéologiques conduites par l’École, longtemps à Tell Keisan, à la citadelle d’Amman ou Khirbet es-Samra en Jordanie, à Gaza. Lorsque je suis arrivée, à l’automne 2002, Jean-Baptiste Humbert travaillait dans la bande de Gaza, sur le site de Chati, au sauvetage d’une maison hellénistique dont le bas des murs épargnés par les bulldozers étaient décorés d’enduits peints aux couleurs contrastées, jaune, noire, rouge. La fermeture du check point de Gaza a brusquement interrompu ce chantier et a fait avorter le projet de repérage du tracé de l’enceinte classique de la ville antique que Jean-Baptiste Humbert souhaitait que nous réalisions : je garde un souvenir particulier de la matinée que nous avons passée à marcher, le long des dunes qui recouvraient les vestiges, pris en étau entre l’accroissement des camps de réfugiés et l’érosion marine. Je regrette de n’avoir pu être présente lorsque, en 2005, la reprise des travaux a permis de mettre au jour une porte de l’enceinte de la ville romaine et, sous ce niveau, celle d’époque hellénistique.
Les voyages à travers la région sont un autre élément fondamental de la formation offerte par l’École aux boursiers. D’une durée d’un à plusieurs jours, ils ont pour objectif de découvrir les paysages et les sites, évoqués par les textes bibliques et historiques. Se retrouver ainsi sur les pas des voyageurs qui nous ont fait rêver à l’Orient, tels que Chateaubriand, Renan, Lamartine et autres Pierre Loti, mais surtout dans les pas des pères Jaussen et Savignac, Abel, mais aussi de Marcel Baudry (que nous n’eûmes pas l’honneur de connaître, en raison de sa disparition prématurée et douloureuse, mais dont les pères et les anciens élèves ne cessaient d’évoquer le souvenir), il s’agit là d’expériences uniques : malgré la situation politique difficile, il avait ainsi été possible de se rendre sur les sites d’Arad, de Beersheba, et voir les villes byzantines du désert du Négueb et le cratère de Ramon, au bord de la mer morte, à Qumran, Aïn Feshkha et Massada, sur la côte, à Dor, Césarée, Saint-Jean-d’Acre, dans la vallée du Jourdain à Scythopolis et en Idumée à Lakish (Tell ed-Duweir). Je garde une émotion particulière de la randonnée dans le Wadi Qelt, du monastère Saint-Georges à Jéricho et dans le désert de Judée : marcher et dormir à la belle étoile, comme nos illustres prédécesseurs, au cœur d’une nature extraordinaire, face aux éléments, nous laissaient imaginer les expéditions qu’ils avaient conduites dans ces endroits longtemps reculés, qui nous permettaient d’oublier à la fois la civilisation contemporaine qui transforme, inexorablement, la vie traditionnelle des bédouins, mais aussi d’oublier les tensions politiques et militaires.
En revanche, il ne nous fut pas possible de nous rendre en Cisjordanie, en raison du bouclage des Territoires sous autorité palestinienne par l’armée israélienne. Ceci semblait compromettre la recherche que je devais conduire sur les fortifications de cette région, car les études de terrain étaient devenues impossibles. C’est donc surtout en bibliothèque que j’ai passé ma première année de recherches, soulagée de trouver là toutes les revues archéologiques et grandes collections que je ne pouvais consulter en France, notamment tous les rapports de fouilles jordaniens, palestiniens, israéliens, etc. La deuxième année, j’ai pu plus aisément travailler sur le terrain pour ma recherche conduite plus à l’Est, de l’autre côté du Jourdain, qui, pour les époques qui m’intéressaient, n’était pas une frontière mais une artère de circulation et de communication.
J’ai ainsi eu la chance que le conseil scientifique de l’École comme l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres veuillent bien accepter mon projet de réaliser un mémoire de deuxième année sur les fortifications de Transjordanie, ce qui me valut donc de passer une deuxième année à l’EBAF en 2003/2004. Celle-ci conforta aussi mon désir d’enseigner, de transmettre le goût de l’Orient et de la recherche. En effet, comme j’avais guidé des voyages en Grèce les années précédentes, le directeur de l’École d’alors, Jean-Michel Poffet, m’a proposé de prendre en charge les voyages de l’École et a accepté bien volontiers que je fasse précéder ceux-ci de cours de présentation historique et archéologique des sites que nous allions visiter, afin que ceux qui les découvraient pour la première fois puissent en tirer le meilleur bénéfice. J’ai beaucoup apprécié ces riches moments de rencontres, d’échanges culturels et humains.
Il nous est demandé si le passage par l’EBAF a eu un rôle dans notre carrière professionnelle. C’est indéniable. Mon entrée dans la carrière universitaire en a été facilitée (il m’a été clairement exprimée que plusieurs membres de la commission de recrutement de l’Université d’Avignon, où j’ai été recrutée comme Maître de Conférences en Histoire ancienne du monde grec, avaient été sensibles au fait que j’étais diplômée de l’EBAF, grâce aux deux mémoires que j’avais pu y réaliser et qui avaient été présentés au conseil scientifique de l’École comme à l’Académie). De même, la réalisation de mon Habilitation à diriger des Recherches a été facilitée par l’approfondissement de ces mémoires; un passage d’un mois à l’École, en janvier 2011, m’a permis de me rendre sur les sites de Cisjordanie dont l’accès était désormais possible, en dépit du mur érigé depuis que j’avais quitté l’École en juillet 2004.
Je suis très reconnaissante à Francolino Goncalvès, alors responsable des publications, d’avoir accueilli cette étude dans la nouvelle série de la collection des Etudes Bibliques. Ce dernier, dont la disparition récente nous a beaucoup peinés, avait répondu positivement à mon invitation à venir parler de ses travaux d’exégèse au séminaire de recherche de l’Université d’Avignon. Je me souviens encore de son enthousiasme à expliquer sa méthode à propos de la conquête néobabylonienne de Judah et des yeux brillants de l’auditoire. A priori, la mission archéologique française que j’ai pu fonder à Paphos, en 2008, grâce au soutien du Département des Antiquités de Chypre et de la Commission consultative pour la recherche archéologique à l’étranger du Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères n’avait pas de rapport avec l’EBAF. Et pourtant, d’anciens boursiers y ont participé comme fouilleurs ou sont aujourd’hui nos partenaires, polonais, dans le cadre d’un projet quadriennal financé par un programme européen (Horizon 2020) et des professeurs de l’École sont venus nous y visiter et participer aux deux premiers colloques internationaux consacrés à ce site en Avignon en 2012, puis à Paphos même en 2017. Nous nous sommes aussi retrouvés, lors de récentes rencontres scientifiques organisées par le Cyprus Research Institute à Nicosie, rassemblant les représentants des Écoles et Instituts archéologiques français œuvrant en Méditerranée orientale. En effet, être boursier à l’École ce fut aussi cela, nouer des liens intellectuels et amicaux inégalables, avoir la chance de côtoyer des chercheurs de tous horizons et notamment les plus âgés des dominicains, tels que le père Emile Boismard ou François Langlamet, mémoire de l’École, qui avaient plaisir à partager avec nous, à table, leur passion pour leurs recherches, leurs doutes aussi parfois, les souvenirs de “leur” Palestine et de “leur” Orient, leurs enthousiasmes et aussi leurs désillusions, leurs espoirs.
Pour conclure, en bref, je dirai qu’être un(e) ancien(ne) boursier(ère) de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres à l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem c’est appartenir, en définitive, à une véritable confrérie scientifique et humaine.
Claire Balandier
Discours de M. Guillaume Bady
Monsieur le Secrétaire perpétuel,
Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs,
C’est un honneur pour moi d’être appelé à représenter en quelque sorte, parmi les boursiers de l’École biblique, la patristique, à savoir l’étude des Pères de l’Église ou des auteurs chrétiens des premiers siècles, en ce lieu où j’ai gardé un vif souvenir de la manière dont M. Jean Leclant m’a reçu à l’époque. Je tiens également à évoquer également ici M. Antoine Guillaumont, qui avait écrit un rapport, très important pour moi, sur le mémoire que j’avais rédigé.
J’ai été boursier de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres en 1997-1998 et élève de l’École biblique, à l’époque où le P. Claude Geffré en était le directeur. Étudiant en lettres classiques, je travaillais sur certains Pères grecs. N’étant point du tout archéologue, recoller des tessons n’était donc a priori pas mon fort, mais le décalque, à l’encre, de mosaïques pour Jean-Baptiste Humbert m’a notamment permis de constater qu’un mosaïste antique pouvait réaliser un chef d’œuvre sans rien comprendre des lettres grecques qu’il recopiait – ou plutôt qu’il imitait comme si c’étaient des animaux exotiques. Mais c’est là le moindre des acquis de cette année. « Qu’aura de plus celui qui s’est rendu » à Jérusalem ? demandait en effet Grégoire de Nysse déjà au IVe siècle[1]. Le Cappadocien, même s’il était choqué par les mœurs de Jérusalem et désabusé après ses déboires sur place, n’en pose pas moins une bonne question.
Pour moi cette année a été très positive, et même décisive, je m’y suis fait beaucoup d’amis – et pourtant j’y ne suis jamais retourné. D’une part, les moments passés en compagnie de personnes en uniforme à l’aéroport ou ailleurs, tout comme les attentats répétés contre les civils, m’ont donné envie de ne plus jamais revivre ça ; d’autre part, j’ai découvert en rentrant en France à quel point la paix, le fait de respirer dans un pays qui n’est pas continuellement en guerre, pouvait être une sensation physique absolument inestimable. La première chose que cette année à l’École biblique m’a apprise, c’est donc le sens, contrasté et concret, de la paix, ainsi que l’exemple d’une Jérusalem cristallisant bien des conflits, mais abritant aussi la plus grande diversité, la plus étonnante cohabitation religieuse que j’aie jamais vue.
Avec la géopolitique, qui n’était pas au programme en tant que telle, c’est évidemment la géographie dite biblique que, de manière à la fois critique et vivante, l’École biblique m’a fait découvrir, avec Marcel Beaudry pour guide. Impossible de lire la Bible comme avant, sans que des images, des odeurs, mille impressions ne surgissent au détour des pages.
La Bible étant au cœur des textes patristiques, Monique Alexandre, à la Sorbonne, m’a vivement conseillé, comme elle le faisait régulièrement à ses étudiants, d’aller à l’École biblique. Et cela m’a tellement plu qu’à la fin de l’année, encouragé par Émile Puech, j’ai même pensé m’orienter plutôt du côté des recherches sur Qumran – avant que les Pères me rattrapent et que je sois recruté comme chercheur au CNRS, affecté à l’UMR HiSoMA, Histoire et Sources des Mondes Antiques, plus précisément aux Sources Chrétiennes, à Lyon, où je travaille toujours. Je n’en ai pas moins gardé une sorte de tropisme. Récemment un collègue me faisait remarquer – je ne m’en étais pas paerçu moi-même – que toutes mes recherches tournaient autour de la Bible. Le Commentaire sur les Proverbes attribué à Jean Chrysostome, le texte lucianique de la Septante, l’enseignement, depuis plus de 15 ans, à l’Institut Catholique de Paris sur la Bible grecque – malheureusement le seul cours d’intiation qui existe nommément là-dessus en France –, l’introduction et la traduction annotée du 3e Esdras dans la nouvelle Traduction Œcuménique de la Bible, quelques recherches sur les divisions anciennes du texte de l’Ancien Testament… Et je ne peux pas ne pas citer le projet Biblindex, dirigé par ma collègue Laurence Mellerin : cet index en ligne des références bibliques chez les auteurs chrétiens des premiers siècles, hérité des données du Centre d’Analyse et de Documentation Patristique de Strasbourg. La base de données comporte – le fait est significatif venant de patrologues – une concordance fine de 12 bibles. Biblindex motive aussi la tenue mensuelle d’un séminaire depuis bientôt 10 ans, dont les communications sont publiées dans les Cahiers de Biblindex au sein des Cahiers de Biblia Patristica ; Olivier-Thomas Venard est venu y parler et, depuis l’an dernier, il se réunit régulièrement dans le but, précisément, de fournir l’annotation patristique de l’Ecclésiaste pour le rouleau de la Bible En Ses Traditions.
Pour moi, il y a là un juste retour des choses, mais aussi la conviction que cette façon d’étudier la Bible, non pas en la lisant simplement telle qu’elle apparaît aujourd’hui, ni en cherchant un original hypothétique, mais en s’intéressant à son sens dans l’histoire, dès l’antiquité, est plus que jamais légitime. Le succès des Lectures de la Bible du ier au xve siècle, ouvrage collectif paru en 2017 sous la direction de Laurence Mellerin, le manifeste bien. Et cet ancrage dans l’histoire – sans parler des témoignages inestimables pour l’histoire du texte – n’est pas le seul intérêt des écrits patristiques et médiévaux pour la Bible. À mon avis, les traditions patristiques permettent aussi d’opérer un rééquilibrage et une réorientation : un rééquilibrage du côté du judaïsme et de l’Ancien Testament, qui par rapport à notre époque était beaucoup plus cité par les Pères que le Nouveau (encore aujourd’hui, si d’ambitieux projets visent à un recensement exhaustif des leçons patristiques du texte néotestamentaire, seule une poignée de courageux s’attelle à l’édition de la Septante), et une réorientation plus décomplexée vers un sens actualisé des Écritures, c’est-à-dire non plus seulement à partir d’un Urtext plus ou moins fantasmatique, mais parce que l’actualisation a toujours fait partie du texte lui-même.
Ce centenaire de l’École biblique n’est-il pas une occasion rêvée de rendre plus que jamais actuelle l’étude de la Bible qui est l’origine et la visée même de sa création ? Car je le dis aujourd’hui avec une immense reconnaissance : l’École biblique a contribué à me rendre la Bible actuelle, et même, en quelque sorte, sans fin.
Guillaume Bady
[1] Lettre 2, 8, trad. P. Maraval, SC 363, p. 115.